Meetings (2)

Publié le par Boyer Jakline

Pour Levada-tsentr, qui continue son travail, au fait, des analyses convergent pour expliquer cette présence massive de jeunes gens, voire très jeunes. Il n'est pas question de soutien​ à Alekseï Navalny. Il est question d'une très grande sensibilité à la lutte anti corruption, surtout autour du scandale touchant le premier ministre. Cette jeunesse, de milieux plutôt aisés, veut s'approprier un lieu en ville, qui devient son espace social.

Médiapart publie ce texte qui donne du grain à moudre. J'en publie des extraits. Vous le trouverez sur Médiapart, blogs... Il est intéressant car s'y trouvent exprimées les tendances présentes dans la société russe, inversement proportionnelles, si je puis dire. Les  "conservateurs "sont beaucoup plus nombreux dans la société, que les " libéraux ":

Le grand festival du cinéma russe Nika vient de se terminer à Moscou. ( Le président russe a envoyé un message de soutien à l'ouverture. J.B )

Pendant la cérémonie de la remise des prix plusieurs cinéastes, acteurs ou professionnels du cinéma russe sont revenus sur les événements du dimanche 26 mars. Pour rappel, une manifestation interdite de plusieurs dizaines de milliers de personnes a été brutalement réprimée au cœur de Moscou. Elle faisait suite à des révélations sur la corruption massive du premier ministre Dimitri Medvedev et surtout à l’absence de toute réaction du pouvoir à ces révélations.

C’est le metteur en scène du film Kollektor, primé comme révélation de l’année, Alexeï Krasovskiy qui a d’abord fait remarquer que les personnes présentes à la cérémonie étaient moins nombreuses que celles qui ont été arrêtées lors de la manifestation (plus d’un millier à Moscou seulement). Iulia Aug, une des actrices du très beau Disciple de Kirill Serebrennikov, a aussi déclaré sa solidarité avec les manifestants.

Mais l’intervention la plus remarquée reste celle d’Alexandre Sokourov, le réalisateur deMoloch, de Faust, de L’Arche Russe ou de Francophonie.  Il a d’abord déclaré que les arrestations violentes de jeunes filles et de femmes s’apparentaient à une forme de viol et invité les députés à proposer un projet de loi les interdisant. En tant qu’enseignant dans une école de cinéma il dit observer qu’il n’existe plus aucun dialogue entre la jeunesse et le pouvoir. « J’ai l’impression, a-t-il ajouté, que le pouvoir commet une énorme erreur en répondant avec brutalité à ces jeunes gens. Il ne faut pas engager une guerre civile contre les écoliers et les étudiants. Il faut les écouter. Mais aucun de nos hommes politiques ne parle avec eux. Ils ont peur de le faire. »

Sokourov en a profité pour rappeler le destin du metteur en scène Oleg Sentsov, emprisonné depuis trois ans et sous le coup d’une accusation de terrorisme pour s’être publiquement opposé à l’annexion de la Crimée.

La réponse des partisans du pouvoir ne s’est pas fait attendre. Evgueniy Fiodorov, un député de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, a accusé les cinéastes qui ont pris publiquement parti en faveur des manifestants de manquer de sentiments patriotiques : « Quand on commencera à patauger ici dans le sang, ils ne seront tout simplement plus là, ils observeront de Londres comment des millions de personnes se feront égorger dans les rues de Moscou et de Saint-Pétersbourg, comment notre pays s’effondrera, comment se déclenchera la guerre de tous contre tous et la liquidation finale du peuple russe ».

La violence du propos ne doit pas étonner des lecteurs qui ne vivent pas en Russie. La situation politique est tellement bloquée que le pouvoir ne peut plus imaginer d’autre voie de salut que la terreur, et d’autre sentiment dans la population paupérisée que le désir d’en découdre avec lui.

On remarque aussi comment la rhétorique officielle retourne les accusations : ce que reprochent les manifestants au pouvoir, c’est justement ses avoirs cachés à Londres ou ailleurs. C’est sa propre tentation que le pouvoir croit voir dans ceux qui s’opposent à lui.

Aujourd’hui c’est le scénariste lui aussi primé du film « Le moine et le Démon » Youri Arabov qui répond à l’exalté député : « L’indifférence et le silence, voici les véritables signes de l’absence de patriotisme. Les cinéastes reçoivent des aides de L’Etat, mais cela ne les oblige pas à vendre leurs âmes. Notre Etat n’est pas vénal à ce point. L’aide de l’Etat ne doit pas être une castration des opinions politiques et des sentiments civiques du metteur en scène, quand il en a ».

Il faut savoir que depuis une dizaine d’année le Ministère de la Culture ne finance pratiquement plus que des films patriotiques que personne ne va voir, et que les metteurs en scène qui veulent parler de la réalité de la société russe sont souvent obligés de trouver des financements à l’étranger, ce qui les transforme aussitôt dans les médias officiels et donc aux yeux d’une partie importante de l’opinion russe en « agents de l’étranger ».

Un député communiste a répondu au pathos hystérique de son collègue : « Même si les organisateurs de la manifestation poursuivaient des buts qui leur sont propres, on ne peut pas acheter ou forcer à venir tous ceux qui participent à une action aussi massive. Cela signifie que les gens ne sont pas satisfaits de la politique du gouvernement, cela veut dire qu’ils ont des questions à poser au gouvernement et que celui-ci ne leur a pas répondu.  Par ailleurs le pouvoir a tellement perdu le sens des réalités en ce qui concerne la lutte contre la corruption que le premier qui a lui a posé clairement une question toute simple a entraîné tous ces gens à manifester derrière lui. » ( Le groupe communiste à la Douma demnde l'ouverture d'une enquête. J.B)

Il s’agit du blogueur et candidat à l’élection présidentielle Alexeï Navalnyi, dont les révélations sur les biens cachés du premier ministre ont déjà été vues par plus de dix millions de personnes en Russie malgré le black-out total des médias officiels (voir le lien ). Il est fait référence aussi aux accusations de ces mêmes médias, qui comme d’habitude et comme en URSS ont dès le soir de la manifestation accusé les participants d’avoir reçu de l’argent de l’étranger....

Cette réaction des hommes et des femmes de cinéma montre, après le courageux discours de l’acteur Konstantin Raïkine devant ses collègues contre la mise au pas du théâtre russe, que le monde de la culture résiste encore à la tentative d’en faire à nouveau, comme en URSS, un pur instrument idéologique de contrôle social et de formatage des esprits au service de la kleptocratie militaro-cléricale au pouvoir....

Fin de citation.

 

Le site du Kremlin publie la déclaration de Dmitrii Peskov, porte parole du président après ces déclarations des artistes. En substance, le président répète son attachement aux créateurs et à la création. Il aime le contact avec eux et débattre avec eux.  Il a pour leur travail un grand respect. Mais, en l'occurence, il n'est pas d'accord avec eux.

 

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Je repense au mouvement Occupy Wall Street, " nous sommes les 99% ", sur lequel je mets en lien quelques informations.

J'avais écrit sur ce mouvement. Son initiateur, David Graeber, universitaire, professeur adjoint d'anthropologie à Yale au moment du mouvement Occupy..  enseigne désormais en Angleterre, car plus aucune université américaine n'a voulu de lui....
Ces éléments de réflexions pour recentrer les critiques de principe et unanimes des états occidentaux sur la démocratie en Russie. 

Je pense aussi aux destins des lanceurs d'alerte.... 

Assange et Snowden se sont adressé au gouvernement français pour demander d'être accueillis. Le président français n'a même pas répondu...

Wall Street fut évacué sans ménagement par la police new yorkaise...et sans protestations indignées des gouvernements anglais, français et allemand.

Double standard ? Ou au delà, désormais.

La critique légitime de ce qui se passe là bas, en Russie, est entachée d'un apriorisme dévastateur, au moment où l'Europe et la France en particulier, berceaux de la démocratie, voient des dérives inquiétantes. Nous rassurer à bon compte ?

Publié dans vaste Russie, Politique

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