Stenka Razine, Tchapaiev, Zakhartchenko.

Publié le par Boyer Jakline

Suite à l'assassinat d' Alexandre Zakhartchenko, l'écrivain Zakhar Prilepine, son ami et ami de la cause du Donbass, a accordé quelques longs et passionnants entretiens à des chaînes privées. Les journalistes faisant correctement leur travail, ce furent des moments rares d'information.

J'ai déjà écrit sur Zakhar Prilepine. Autour du 9 mai, j'étais à Moscou et j'ai découvert son émission mensuelle sur la chaîne NTV,  " leçons de russe". Je vous renvoie à mon article.

Le ton sera donné du personnage.

Grand écrivain, puissant, il a son public en Europe, France, Allemagne. Mais il souligne que ses éditeurs étrangers font mine de ne pas s'intéresser à son engagement politique. 

" Rouge-brun", " rouge-noir", traduction libre du " natsbol" russe, soit national bolchevik. Ce courant politique, né au début du XXe siècle,  réactivé dans le fracas et le chaos de la chute de l'URSS, a tout pour déplaire à la bienpensance de l'Europe. Vous écouterez son entretien à Paris en mars dernier. " Barbares" dit il. Mais lui, c'est à " progressistes" qu'il met des guillemets. Or ce courant recrutait dans les milieux populaires et la jeunesse qui se voyait d'un coup privé de tout. L' âme en était l'écrivain Édouard Limonov, qu'il évoque aussi dans l'entretien. Aujourd'hui, sans avoir abdiqué sa vision de la Russie libérale,  Limonov est invité sur les plateaux TV  et son avis est écouté sinon entendu.

Ce parti a été interdit en 2007. " L'autre Russie" lui a succédé en 2010, mais n'a pas été enregistré par la commission nationale.

Leur programme est un mélange de socialisme, patriotisme, eurasisme, d'idées généreuses et d'autres qui  le sont moins. La faucille et le marteau aux couleurs rouge et noire,  flottaient sur leur drapeau.Ces idées ne pouvaient trouver à renaître que dans le magma créé par la disparition puis la mutation du pays.

Limonov, écrivain apprécié chez nous, est aussi originaire de la région frontalière du Donbass, ouvrière, anti fasciste. Les combats y furent terribles dans la deuxième guerre mondiale.

Et me voilà arrivée au thème : Prilepine et le Donbass, Prilepine et Zakhartchenko.

Quand il est parti dans le Donbass en 2015, c'était de sa propre initiative, acquis à ce combat contre Kiev aux mains des néonazis et des Américains. " Comment être ukrainien dans cette Ukraine là, qui leur refusait même de parler leur langue, le russe ?"

Dans un de ces entretiens, il raconte que les services secrets ukrainiens, certains occidentaux, téléphonaient au Kremlin : " vous avez envoyé Prilepine ? " qui tombait des nues.

Notons que le brun là dérange nos élites mais point les néonazis ukrainiens. Ni ce que l'Union Européenne avec ses politiques de soutien systématique aux  oligarchies a obtenu : la montée du brun partout.

Du coup, il me semble que c'est surtout le rouge qui déplaît dans ce tableau.

Évoquant Zakhartchenko, son ami, il raconte qu'il avait un pied à terre à Donetsk, et y vivait par intermittence avec sa femme et ses enfants. Ils se fréquentaient. Il avait un rôle politique auprès de Zakhartchenko et idéologique dans son bataillon de jeunes recrues du Donbass. Il finançait tout ça avec les gains littéraires.

Zakhartchenko rêvait d'un pays bâti autour de la liberté, la justice, la famille, et l'égalité. Ces 4 mots en russe donnent le sigle SSSR, soit le même que URSS en russe. Le fameux CCCP.

 Ce qu'il dit dans la vidéo de la personnalité de Zakhartchenko éclaire autrement son assassinat.

Ses propos sont à bien considérer car portent des idées présentes dans la Russie actuelle, terre de paradoxes encore et toujours.  Il est une personnalité très populaire.

" Pourquoi des personnalités historiques restent dans la mémoire populaire et d'autres pas ? interroge t il.

 Stenka Razine, chef cosaque, qui organisa une rébellion puissante contre Catherine II.  " Le Robin des Bois" russe. Toujours vivant dans des chants populaires.

Vassilii Tchapaiev, le héros bolchevik de la guerre civile, passé du metier de charpentier,  participant à la première guerre mondiale, puis commandant à la tête de l'Armée Rouge,  mort au combat à 32 ans, toujours présent dans la vie russe sous forme d'anecdotes. Pleines de bienveillance à son égard, soulignant son origine très populaire.

Et Zakhartchenko, ajoute l'écrivain. Il est de cette trempe là. 

 

Zakhar Prilepine a quitté le Donbass. Revient à son métier d'écrivain. Mais reste toujours lié, présent à cette guerre,  oubliée dit-on ? Par qui ?

Il sera à Paris le 2 octobre, puis l'Italie, la Serbie et la grande foire du livre de Francfort.

 

 

 

Mars 2018. On comprend mieux pourquoi ils ont tué Zakhartchenko.

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