De la question nationale au nationalisme de caverne.
Paru fin septembre dans un hebdomadaire reconnu, cobessednik.ru, ce bref article de Dmitri Bykov revient sur l’héritage soviétique, si je puis dire, autour de cette vaste et douloureuse question.
L’article est d’autant plus intéressant que son auteur, brillant journaliste et spécialiste de toutes les littératures, russe ou soviétique, plume régulière de Écho de Moscou, a été en 2019 au coeur de nombreuses polémiques, ayant rejoint le camp libéral et apportant sa pierre à la réécriture de l’histoire de la deuxième guerre mondiale. Il avait le projet d’écrire une biographie du général Vlassov, rallié dès le début de la guerre à Hitler.
Bykov a écrit un nombre impressionnant de biographies, en particulier la biographie remarquée de Maxime Gorki, non traduite.
Vous trouverez sur Dmitrii Bykov un article le 27 décembre 2015.
Je ne sais pas si son projet a abouti.
Cet article permet de rappeler qu'en URSS on disait question nationale et non nationalisme.
Traduction.
Le sermon du Nagorny-Karabakh.
La question de savoir qui de Navalny ou Poutine est le plus digne du prix Nobel de la paix a perdu de son éclat sur fond de conflit du Karabakh.
Le prix Nobel sera mérité par celui qui éteindra l'incendie au Karabakh; or déverser de l'argent n'a aucun sens, pas plus qu'inonder de promesses. A l'époque soviétique, il couvait sous la cendre aussi, mais le joug commun du pouvoir nivelait les problèmes interethniques. Or je ne vois pas quel joug commun, si ce n'est venu d'une autre planète, est capable de les réduire aujourd'hui.
La question nationale a été dévorée par la pérestroïka, je ne vois pas qui peut le nier. A mes yeux, le conflit du Karabakh a transformé des gens de talent, responsables, capables de débattre pacifiquement de n'importe quels problèmes en fanatiques sourds à tout argument. J'ai observé cela à l'armée, où j'ai fait mon service militaire avec des Arméniens et des Azéris, dans le journalisme, où dans les années 90, j'ai travaillé avec ces mêmes; ils avaient plus de 10 ans de travail à Moscou, mais dès que la discussion évoquait el Karabakh, quelque chose d'insaisissable traversait leur regard.
Karabakh, Arzats pour les Azéris, a permis au cours de ces 30 annéeset à l'Arménie et à l"Azerbaïdjan de détourner l'attention des peuples des problèmes intérieurs, et, sans doute, de ce point de vue, fut bien pratique... Mais gare au retour de bâton. Moscou a apporté sa pierre au règlement du conflit en une seule occasion : quand la cinéaste Inna Toumanian a embrassé sur les marches de la Maison du Cinéma le scénariste Roustam Ibraguinbekovyi : " Est-il possible que toi et moi nous nous querellions aussi ?" Et ils ne ses sont pas querellés. Mais déjà il s'était trouvé des personnes pour dénoncer cette trahison.
Il me semble que les intellectuels nationaux se trahissent quand ils se laissent entraîner vers la discorde interethnique et le débat territorial., quand ils abandonnent leurs contacts sous prétexte des tragédies de Bakou et Soumgaït.. C'est à dire l'authentique trahison de leur statut, parce que -si les intellectuels, la meilleure part du peuple, perdent leur aspect humain, en engageant des discussions sur des problèmes territoriaux, religieux, nationaux, alors il nous faut reconnaître que notre chute et catastrophique et irréversible.
Malgré tous ses défauts, l'URSS méprisait le nationalisme de caverne; aujourd'hui personne ne se souvient qu’il y a 40 ans jouer de la carte nationale dans toute polémique était considéré comme incorrect.
Et tant qu'en Russie et ses environs on ne souviendra pas de ces vieilles règles soviétiques, nous ne verrons pas de Prix Nobel de la paix, je le crains. Car les agents de la paix ne naissent pas dans des espaces sombres où le juste le plus obstiné peut être facilement transformé en bête sauvage, rien qu’en lui posant la question à qui appartient le Karabakh, à qui appartient la Crimée...
Dmitrii Bykov
Fin de la traduction
Bien sûr je ne partage pas tout dans son analyse (URSS, Statut des intellectuels meilleure part, part simplement pour moi...), mais quelle force et quelle réflexion qui pourraient bien inspirer ici quelques polémistes et quelques intellectuels...
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Pour éclairer le précédent article.