Avant, après (3).

Publié le par Boyer Jakline

Dernière publication et fin de la traduction. 

Ce fut l’année 1999 et l’arrivée du jeune officier du KGB.

Les télévisions aux mains des oligarques assurèrent sa promotion. Ils  ne savaient pas qu’ils forgeaient leur propre destin, l’exil et la mort (Berezovski, en particulier).

La communauté soviétique fut pour un temps, hélas, le soutien de ce nouveau président qu’on disait ayant le sens de l’état et patriote.

Il déclara avec passion que l’effondrement de l’URSS était la plus grande catastrophe géopolitique du siecle. On l’a cru  au début. D autant que cela s'est doublé de pas dans le bon sens pour apaiser le peuple.  Des impôts élevés pour les secteurs du gaz et du pétrole,  le budget public  renfloué,  des retards  de paiement des fonctionnaires effectués, l’armée et le complexe militaro-industriel remis en route. De la guerre dans le Caucase aux avancées de l’OTAN à  nos frontières,  la réalité s’était imposée. 

Pour le peuple,  tout était mieux que le chaos du banditisme des années 90. 

Poursuivant sa rhétorique sur les mérites de l’URSS,  il s’appliqua à  continuer la destruction de la communauté soviétique. 

Il parvint à gagner les fonctionnaires,  les personnels de ces collectifs-communautés et aux élections "la ceinture rouge" votant communiste  est devenue  "la ceinture Poutine'.

L’économie  connut un regain grâce aux commandes de l’état. Mais même à ce moment là, il ne remit pas en cause les privatisations. 

Petit à petit,  chez les fonctionnaires,  la vérité sur la nature du pouvoir grandit. Mais force d’inertie,  pressions en tout genre,  l’illusion s’étira sur des décennies. 

Tout en évoquant la "catastrophe  géopolitique" et rendant hommage aux conquêtes magnifiques du peuple soviétique, la nouvelle direction du pays a poursuivi la destruction systématique de la communauté soviétique,  de tout ce qui était soviétique en général. 

Ils se revendiquent les héritiers d’Eltsine et de Gaidar,  et glosent sur le "peuple profond ".  

Chaque année,  un forum économique Gaïdar est organisé où participe toute l’équipe de la majorité.

 Il faut dire que  c'est un miracle qu’ils aient échappé à la colère des citoyens soviétiques. Ils ont failli se retrouver en exil à Londres ou à Paris,  où personne ne les aurait attendus et accueillis.

Pour détruire la communauté soviétique une loi a été éditée : dans la fonction publique, ce sont  les directions qui ont été habilitées à répartir les salaires. Évidemment, très vite au sein des administrations il y a eu "les koulaks" et les pauvres. Ceux qui gagnaient des centaines de milliers de roubles et ceux qui devaient vivre avec 15.000,  20.000, 25.000 roubles. 

Cette " restauration du capitalisme " s’est accompagnée d’une division en classes.

Avant,  chef de service,  technicien,  etc... étaient des collègues de travail,  à  l’hôpital,  l’école...

Pour plaire au gouverneur,  au maire,  les dirigeants des institutions publiques faisaient pression sur leurs salariés pour participer à des meetings  électoraux,  à  la falsification des élections. 

Les uns voulaient garder leur place au chaud,  les autres  nourrissaient dans leur sein la colère. 

Et déjà cette colère s’exprime. Se souvenir  des grèves des médecins en 2018-2019. Cela ne s’était pas produit depuis les années 90. La pandémie a donné un coup d’arrêt. Mais on peut s’attendre à  des mouvements chez les enseignants. 

(Des luttes de plus en plus nombreuses prennent en charge le refus des populations,  écologie,  Chièss, Khabarovsk, arbitraire, les retraites, articles nombreux dans ce blog..J.B)

Là où  le pouvoir a  réorganisé pour isoler diviser les salariés,  la communauté résiste  et n’a pas dit son dernier mot.  Les forces de gauche unies sont un point d’appui non seulement pour  renverser le capitalisme oligarchique, mais pour construire une nouvelle politique  économique, sociale,  culturelle de notre Russie socialiste.

Cet article m’a paru particulièrement intéressant car pour fréquenter assidûment ce pays et ces gens, j’ai pu constaté et je constate encore la survivance de cette culture de, comment dire, la solidarité ? l’ouverture aux autres ?

Au début des années 90, c’était la complainte générale parmi ceux que je fréquentais : il n’y a plus de solidarité,  les gens vivent pour eux-mêmes. C'est qu’ils venaient d’être mis en concurrence... et après ce qu’expose l’article,  on imagine  le choc !

Intéressant aussi car il décrit dans le menu la mise à mort d’un état. 

Les Occidentaux,  USA en-tête et son président d’alors, Bill Clinton,  se sont réjouis  de cette  "transition pacifique".

Pacifique ? À vous de juger. 

En lisant l’article, j’ai eu enfin une explication sur ce qu’on entendait à  l’époque,  années 90 : les ouvriers travaillaient des mois durant sans être payés.  Les familles se nourrissaient via le potager ou la solidarité : ceux qui avaient un salaire  assuraient. 

Pour avoir été  reçue à l’automne 91 par des amis, j'ai expérimenté cette économie de guerre: pas d’essence pour la voiture, pas de pneus de rechange en cas de problèmes, pour  se nourrir,  on achetait  des œufs et on ouvrait les conserves maison  de champignons ramassés à la datcha.  Mais il y avait  le théâtre et la vodka....

Or, voilà l’explication: ces usines étaient condamnées par les "nouvelles  stratégies " capitalistes, mais c’était  leur usine,  les ouvriers continuaient à s’y rendre.

En 2010,   il y a eu un épisode semblable,  relayé par la télévision.  Dans un petit aéroport sibérien, condamné depuis plusieurs années à la fermeture,  un ancien employé  continuait de faire son travail : entretenir la piste. En difficulté et contraint de se poser, un avion de ligne a pu le faire et sauver ainsi tout le monde, 81 personnes, grâce à cette piste en ordre.

Depuis, le petit aérodrome servait de piste pour les hélicoptères.  Mais cette année,  l’électricité impayée coupée,  l’aérodrome s’est retrouvé démuni.  Notre héros a démissionné  après 3 semaines de travail  sans chauffage ni lumière....Nous sommes en République de Komi, en pleine Sibérie. 

Du coup, cet homme est redevenu  au devant de la scène, un héros.  Mais ne nous y trompons pas,  c'est un héros  soviétique. 

Aujourd'hui encore, ce n’est pas la moindre qualité que ce sentiment d’être dans un pays où,  profondément,  la solidarité  est ancrée. Cette façon de vivre, soviétique,  a épousé la culture profonde populaire russe, le mir paysan, l’artel ouvrier.

Et c'est toujours là. 

 

Une remarque à propos de la crise sanitaire que nous traversons,  qui nous traverse, devrais-je dire.

On nous promet un recul économique et donc social. 

L’effondrement de l’URSS et son dépeçage minutieusement organisé  démontre que le capitalisme s’en accommode fort bien, quand il ne la provoque pas. 

Le héros de la république de Komi.
Le héros de la république de Komi.

Le héros de la république de Komi.

Dernières informations Covid19 :

Dans certaines villes,  dont ma bien aimée Yaroslavl,  les vacances  de novembre,  en ce moment,  sont prolongées  de 15 jours car le virus se propage très vite. 2 hôpitaux de la région sont consacrés à la lutte contre le virus,  les autres fonctionnent normalement.  La pénurie  de médicaments pointe son nez,  les pharmacies sont dévalisées par les moscovites, 3h en train. À  Moscou,  la pénurie serait déjà là. 

Je reçois des nouvelles directes, peu encourageantes. D’autres de mes amis se sont  réfugiés à... Sotchi.

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