Operation spéciale et lutte des classes.

Publié le par Boyer Jakline

 

 

 

 

La radio Avrora, Aurore, du nom du légendaire croiseur, toujours à quai non loin du Palais d’Hiver, mène une information politique "d’opposition", proche du KPRF.

Le studio et son rédacteur en chef,  Kirill Rytchkov, à gauche.

Le studio et son rédacteur en chef, Kirill Rytchkov, à gauche.

Un entretien passionnant  sur la chaîne Avrora, donc. Une heure de débat dont je traduis l’essentiel pour nous. Certaines considérations sont à usage interne. 

 Je partage complètement l’analyse : se mobiliser pour défendre la patrie soviétique et le faire pour la Russie bourgeoise, voire oligarchique, c’est un peu la quadrature du cercle.  Pourtant,  ce sont les travailleurs,  le monde du travail qui auraient le plus à perdre dans une défaite de la Russie. 

Le mot défaite n’est pas tabou.

La société russe est provoquée par la situation internationale,  convoquée à évoluer vite. 

Le soutien immédiat à l’opération militaire spéciale apporté par le KPRF suscite les interrogations,  les invectives : c’est trop ou ce n’est pas assez. 

Cela reflète,  dit le député,  ce qui se passe dans la société. 

Le débat commence par une nouvelle disposition législative prise par le FSB, mise en œuvre au 1er décembre, qui serre encore plus les boulons : exprimer son opposition est de plus en plus difficile. L’émission se déroule sous le bandeau : devons nous tous nous taire ?

Il revient longuement sur le caractère bourgeois du pouvoir en place. Une partie notable aux pouvoirs immenses dans la gestion des affaires du pays, ministres,  gouverneurs, se satisfont complètement de la place accordée à la Russie dans la mondialisation capitaliste : capitalisme de périphérie chargé de fournir des ressources énergétiques bon marché autant qu’abondantes. Ils se sont largement servi au passage.

Denis Parfionov, 35 ans, député communiste de la région de Moscou, répond sans langue de bois aux questions inquiètes du journaliste.

Plus de censure ? Oui et non, car ces dispositions prises par le FSB ou, une instance régionale  ou autre juridiction  n’ont pas valeur de loi.

Cependant,  bien sûr,  la censure est plus raide et la répression plus active. 

Peut-on envisager l’interdiction des partis politiques ? On ne peut pas l’exclure, bien que cela me semble peu probable. 

(En Ukraine, les partis politiques sont déjà interdits,  le PC ukrainien en premier lieu et depuis un moment, bien avant le 24 février. J.B)

Le capital à l’heure actuelle n’a plus besoin de la démocratie comme elle lui fut nécessaire au XIXe siècle pour vaincre la classe aristocratique. Partout il resserre les boulons.

 

Il était inévitable que les choses en viennent là.  L’effondrement de l’URSS a laissé une situation à régler. Cela s’est fait en tranchant dans le vif, expression employée par Vladimir Poutine lui-même. Aucune frontière n’a été négociée.

Il s’agit de prendre nos responsabilités. Oui, le pays est attaqué. 

  Dès 2014, nous disions qu’il fallait écouter la demande d’indépendance des  Républiques autonomes de Donetsk et Lougansk.

Vladimir Poutine reconnaît que cela aurait dû être fait plus tôt. 

 

Le nazisme est la continuité du capitalisme : dénazifier veut dire s’attaquer au capitalisme en Ukraine.  Comment la Russie capitaliste peut-elle mener ce combat ? C'est la contradiction fondamentale. Effondrement de l’appareil industriel,  oligarchie, corruption... quand Vladimir Poutine décrit l’Ukraine, on croit reconnaître la Russie.

Est-ce-que la défaite est exclue ? On ne peut jamais l’exclure, mais ça nécessite du pouvoir qu’il change de cap, qu’il s’appuie sur notre programme "20 pas vers le socialisme". C'est une exigence concrète du moment,  pas un plan pour l’avenir. 

Quel avenir peut proposer au pays l’équipe actuelle au pouvoir ?

 

La population est très mobilisée et s’engage dans l’opération militaire spéciale. Comme le souligne Guenadii Ziouganov,  ce sont les ouvriers,  les paysans qui sont au front.  Ils demanderont des comptes.

Pour convaincre toujours plus la population de la justesse de la voie, militaire,  engagée des actes politiques forts doivent être accomplis : augmentation des salaires,  baisse des charges locatives et surtout,  geste fort et attendu,  abolir la réforme des retraites.  Augmenter substantiellement la contribution des oligarques. Pourquoi n’est-ce pas fait ?

Or,  globalement, c'est la même direction qui est maintenue,  hypothéquant le présent et l’avenir. 

Un mot sur ceux qui, affolés, ont quitté le pays dès le 24 février et les jours suivants.  Denis Parfionov ne les approuve pas,  mais ne condamne pas non plus. Il analyse : depuis 30 ans, nous avons développé une société du chacun pour soi, de la concurrence,  de l’argent comme valeur suprême.  Partout, à l’ecole, dans le système de santé,  dans la culture. Se faire sa place en marchant sur les autres.  Et un beau matin, on leur dit : il faut se mobiliser pour défendre la patrie.  Panique à bord.  Le pouvoir récolte ce qu'il a semé. 

Nous avons l’habitude,  nous communistes,  d’agir avec des pressions politiques en tout genre.  Notre expérience peut être utile. Pendant la pandémie, des mesures restrictives ont été mises en place. Impossible de se rassembler, de se réunir.  Ce sont des mesures de cet ordre qui sont renforcées. Heureusement,  autour des députés et du groupe,  des choses restent possibles. 

Qui aurait le plus à perdre dans une défaite ? Une défaite donnerait encore plus de poids aux élites mondialistes. Ce serait pire pour notre pays et son peuple. 

Nous pouvons compter sur le capital accumulé avec la victoire d’octobre 17 où pour la première fois dans l’histoire de l’humanité une révolution de travailleurs a été victorieuse.  Nous n’avons pas besoin d’un coup d’état où un clan oligarque installerait son homme au pouvoir.

Il revient sur ce moment en janvier 1917, où Lénine, entouré de ses vieux compagnons, leur dit : il va y avoir une révolution,  mais nous, les vieux,  ne la verrons pas.  Janvier 1017.

Remarque tendue du journaliste : où est notre nouveau Lénine ?

La défaite ? Disons que les choses ne sont pas au mieux en ce moment.  Notre pays ne veut pas faire durer la guerre. L’Occident le veut et fait tout pour. Dans ce moment où nous sommes,  il est en meilleure posture. 

(Entretien réalisé lec 30 novembre. Cela peut changer très vite. Le 21 décembre,  le Comité national de Défense,  élargi,  s’est réuni. La stratégie de l’Opération militaire spéciale a été redéfinie,  tenant compte de la volonté des Occidentaux de faire durer le plus possible cette guerre... Jusqu'à leur victoire ? J’y reviendrai. J.B)

Mais nous devons exclure toute défaite. 

Faire ce qu'il faut,  c’est appliquer notre programme qui répond très concrètement aux besoins immédiats. 

 

Remarques en marge:

les analyses notées en suivant sont dans le débat depuis un moment.

Le projet sans cesse renouvelé des thinktank américains est de diviser le territoire de la Fédération de Russie, "libérer les peuples qui y vivent". En fait, comme toujours,  démocratie et liberté en bandoulière pour piller des richesses, la véritable caverne d’Ali Baba que représente cette terre, pas commode à  habiter. 

Alexandre Stubb, parlementaire européen suédois, a déclaré le 19 décembre : la Russie représente 2% du PIB mondial et a toutes ces richesses inexploitées. Quel gâchis !

C'est le discours même de "l’Entente" en 1920...

 

Les élites disons mondialistes mènent le combat politique à l’intérieur de la société, du pays. Se disent ouvertement contre l’opération militaire spéciale.  Par exemple,  le directeur du Centre Eltsine à Ekaterinbourg,  centre dont le KPRF demande la fermeture. Où passe la ligne de classe ?

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