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Une vieille dame indigne : l’URSS a 100 ans.

Publié le par Boyer Jakline

Il n’y aura pas de cérémonie officielle.

Toujours ce débat, ouvert ou sous entendu : cette révolution a-t-elle été un bien ou un mal pour le pays ? Les élites, la bourgeoisie au pouvoir,  ont une appréciation dominante dans tout l'Occident. Le peuple, dans sa diversité et avec des nuances est dans un sentiment opposé : les politiques " libérales" nourrissent autrement les réflexions. 

Et puis, voilà l’affrontement,  la guerre.  L’exemple de 1941 s’impose dans les débats sur les chaînes publiques. Suivi par 1812. Mais l’exploit du peuple soviétique est magnifié. Faudra-t-il payer un si lourd tribut ? Le pouvoir se veut rassurant : il n’y aura pas de nouvel appel à la mobilisation. 

À suivre. 

Je traduis de larges extraits de l’entretien réalisé par la Litteratournaya Gazeta auprès de Zakhar Prilépine, un inconditionnel de l’URSS.  Son père,  professeur d’histoire, un soviétique convaincu,  est mort au milieu des années 90, au milieu du désastre.  J’en ai connu,  des Soviétiques de plus de 50 ans qui sont morts dans cette période insupportable. Un cataclysme.

Comment dit-on ici ? Un changement de système qui s’est fait en douceur... Ces morts nombreuses silencieuses. Et les manifestations devant le Parlement, "la Maison Blanche", réprimées dans le sang. Et ce Parlement,  où les députés hostiles aux "réformes" déjà "courageuses" soutenues par Bill Clinton,  furent enfermés et tués.  On ne sait combien.

Le 30 décembre prochain,  l’URSS aurait eu, aura 100 ans, membre fantôme de la société russe. Cauchemar de l’impérialisme.

Et ces partis communistes occidentaux, incapables d’analyser cette expérience soviétique unique, qui lui font porter la responsabilité de leurs échecs... allant jusqu'à leur disparition. 

Zakhar Prilépine,  nationaliste quasiment messianique et internationaliste, représente un courant vivace.

Pour nous, c’est une plongée dans ces débats de fond, loin, très loin de ce qui nous est servi ici. En Russie,  de très nombreux citoyens sont partis ailleurs,  ont pris,  prennent un autre chemin. 

 

TRADUCTION...EXTRAITS. 

Sarkissov Grigory
Zakhar Prilepin : « Il vaudrait mieux que la Russie se perde un moment »Le centenaire de la formation de l'Union soviétique est devenu l'occasion d'une conversation avec l'un des écrivains russes les plus célèbres.
. Sarkisov Grigory, journaliste.
Zakhar Prilepin : « Il vaudrait mieux que la Russie se perde un moment »
 
Photo : Grigory Sysoev / RIA Novosti

Les taches de naissance de l'URSS, tombées dans l'oubli en 1991, sont-elles restées en nous ? Qu'est-ce qu'il est utile d'emporter avec soi du passé soviétique, et à quoi vaut-il mieux renoncer pour toujours ? Quel genre de Russie construisons-nous aujourd'hui - le successeur de l'Empire russe ou quelque chose d'inédit ? Où Dieu conduit-il la Russie et qu'est-ce qui nous attend sur ce chemin, qui n'a jamais été une autoroute sans heurts ? Sommes-nous condamnés à une confrontation éternelle avec l'Occident ? Nous avons parlé de cela et de bien d'autres choses avec l'écrivain, coprésident du parti Russie juste - Patriotes - Pour la vérité, Zakhar Prilépine.

 

-

Fin décembre, cela fera 100 ans depuis la création de l'URSS. Qu'est-ce que l'Union soviétique pour vous - un phénomène historique ou une sorte de nouvel état historiquement prédéterminé de l'Empire russe ?

- L'URSS était une forme d'existence organique et logique de la Russie, ce qui était évident même pour les bolcheviks eux-mêmes. Serguéï Essenine appelait ce pays "Russie soviétique ".

Bien sûr, l'URSS était un phénomène et le projet soviétique lui-même était phénoménal. Mais j'ai étudié dans une école soviétique et je ne me souviens pas de quelqu'un autour de moi qui doutait que nous soyons tous des Russes de Russie.

 

 

Le roman soviétique classique de Leonid Leonov s'appelait La forêt russe. Les soldats de la guerre patriotique ont crié: "Les Russes ne se rendent pas!"

 "La Russie est formidable, mais il n'y a nulle part où se retirer - Derriere nous Moscou!" - a déclaré un instructeur politique en 1941.

Eh bien, qu'est-ce qu'il y a à discuter ?

Les raisons de l'effondrement de l'URSS font encore débat trente ans après l'effondrement de l'empire soviétique. Quelqu'un blâme Gorbatchev pour tout, quelqu'un parle de la trahison d'Eltsine. Et quelles sont, selon vous, les raisons de l'effondrement de l'URSS ?

La fatigue des élites. La désorientation de la population. Si nous parlons de culture : le parti dit russe (c'est-à-dire le cercle de Cholokhov et Leonov, les partisans de la terre,  un peu Choukchine, un peu Glazounov), bien sûr, a perdu face aux libéraux des années soixante - à la fois en littérature, au cinéma , et au théâtre. A cette époque, la confrontation dans la culture était d'une grande importance. En fait, l'élite culturelle des années soixante a entraîné le pays avec elle dans la perestroïka. Les principaux bénéficiaires du projet soviétique - écrivains, artistes, réalisateurs, qui avaient des gains énormes avec tout le pouvoir de l'État et un succès incroyable, ont décidé à l'unanimité, en restant sur place, de déménager à Hollywood, car ici Furtseva (célèbre ministre de la culture. J.B) les a empêchés de créer . Eh bien, ils ont déménagé, perdant le pays en cours de route.

En fait, je pense que tout, en substance, était réparable, à en juger par la Chine ou Cuba, mais le Seigneur a jugé différemment, offrant successivement deux monstres pour gouverner le pays. Le pas-taillé pour la tâche et prétentieux  Gorbatchev. Et le démon Eltsine.

Ainsi selon nos péchés 

 

 

 

Pourquoi la Russie ne s'est-elle jamais intégrée à la civilisation occidentale ? Sommes-nous fondamentalement différents ? Qu'est-ce que la civilisation mondiale s'il y a la civilisation américaine, européenne, asiatique, arabe, chinoise, indienne, russe - et elles sont très différentes ? Qu'est-ce qui peut les unir en une civilisation mondiale - et une telle union est-elle même nécessaire ?

Il n'y a pas de civilisation mondiale.

La Russie fait partie de la civilisation européenne non pas depuis l'époque de Pierre le Grand, mais depuis l'époque de Iaroslav le Sage, lorsqu'il s'est marié avec la moitié des cours européennes sur un pied d'égalité.

Mais du fait que les Russes sont la plus grande nation blanche, la plus grande, la plus forte et, de plus, l'un des plus anciens pays européens, nous ne serons jamais acceptés dans ce club. Nous sommes trop grands. Nous les effrayons par notre immensité et, plus encore, par notre fidélité à la tradition chrétienne.

– Après octobre 1917, on nous a dit que l'État soviétique se construisait « à partir de zéro » et que nous avions une voie directe vers le communisme. Au début des années 1990, on nous a de nouveau dit que "la nouvelle Russie part de zéro" et que nous avons un chemin direct vers la  famille accueillante  des "peuples civilisés". Mais est-il possible de construire un État sans passé ? C'est comme construire une maison sans fondation. À partir de quelles sources faut-il retracer le début de l'État russe ?

– Après octobre 1917, ils ne pouvaient pas nous dire la même chose, c'est absurde. En octobre 1917, la Russie se révolte contre le « maître blanc », le vaste monde colonial, défie les pays européens, entre en confrontation militaire et économique directe avec eux et commence à construire une civilisation culturelle et économique fondamentalement différente.

Toute l'histoire de l'URSS est l'histoire de la lutte contre les empires coloniaux blancs, même Poutine l'a dit récemment. De plus, une lutte très réussie, car, d'une manière ou d'une autre, l'URSS, tout se préservant, a fait tomber presque tous les empires, à l'exception des États-Unis.

En 1991, au contraire, nous nous sommes liquidés et avons abandonné, comme ayant décidé que maintenant nous voulions faire « comme en Europe ».

Étonnamment, même trente ans plus tard, des Russes ne sont pas capables de réaliser qu'octobre 1917 et décembre 1991 sont des événements complètement opposés dans leur signification.

 

 

Quant aux origines, à la fois après 1917 et après 1991, la Russie s'est toujours revendiquée de Rurik. Certains crétins, bien sûr, proposaient de commencer le calcul à partir du jour de la naissance de Lénine, et dans les années 90 ils appelaient la Russie « jeune », puisqu'elle est née en 1991, mais nous ne parlons pas aux crétins. Dans la science historique, tout est resté àl’identique.

La Russie soviétique, après avour rapidement surmonté ses difficultés de croissance, a  lancé dès le début des années 1930 des processus de restauration à grande échelle dans l'art de masse, commençant à sortir des films les uns après les autres sur Nevski,  Minine et Pojarsky, Koutouzov, etc... En fait, la rhétorique impériale a été adoptée bien plus tôt - à savoir, en 1920, lors de la campagne de Pologne. Avec quelques excès, cette ligne a prévalu.

Quant à 1991, Eltsine et ses jeunes réformateurs, ils ont immédiatement commencé à se poser en aristocratie pré-révolutionnaire. C’était,  franchement, écœurant mais le fait qu'ils se souviennent également de la continuité historique ne peut être nié ici.

- Alors, la Russie d'aujourd'hui est l'héritière directe et le successeur de La Russie de Kiev, de la principauté de Vladimir, du royaume de Moscou, de l'Empire russe et de l'Union soviétique?

- La Russie de Kiev ne s’est jamais appelée Russie de Kiev.

Par conséquent, pour être fidèle à la séquence historique: simplement Rus' ou, si vous préférez, Ancienne Rus' - avec son centre d'abord à Novgorod, puis à Kiev puis à Dorostol, d'ailleurs aussi, puis avec le trône de Vladimir -Souzdal, puis avec le trône à Moscou, puis avec la capitale à Saint-Pétersbourg, et ainsi de suite - l'essence en est : une nation politique.

Il n'y a rien à discuter. À la fin du Xe siècle, la peinture d'icônes russe a commencé à apparaître et, au XIIe siècle, elle constituait déjà un précédent dans la culture mondiale. Au même siècle, "Le dit  du prince Igor" a été écrit, et dans le suivant - "Le dit de la destruction de la terre russe". A qui est cet art ?

 Peut-on le donner à quelqu'un ?

Essenine et Petrov-Vodkine,  Cholokhov et Lentoulov, Tvardovsky et Korjev qui ont travaillé à l'époque de l'URSS - comment faut-il les considérer ?  Héritiers de l'ancienne culture populaire russe, impériale, laïque et russe? ... Alors à quoi mène ce débat ?

Comment développer la Russie moderne ? Où prendre exemple ? Ou bien avons-nous notre propre chemin vers les "horizons du progrès" ?

- Dans la littérature russe ancienne, le concept même de "progrès" était absent. Les anciens écrivains russes croyaient que l'histoire tournait en rond. Et si on leur demandait qui prendre comme modèle, alors ils avaient toujours la réponse : " être comme les princes d’avant." Être comme les premiers princes qui ont créé la Rous'. Hériter de leur volonté et de leur courage.

– Qu'est-ce que la civilisation russe ? Quel système de valeurs devrait dominer en Russie et notre pays peut-il devenir l'un des centres civilisationnels du monde moderne ? Que faut-il pour cela ?

– La Russie n'est pas l'un des centres, mais le centre du monde moderne.

La chose la plus drôle à propos de l'annulation actuelle ( Cancel culture, J.B) et de la culture russe et de l'histoire russe est la tentative parallèle de ceux qui veulent annuler de se convaincre et de convaincre tout le monde autour d'eux que la culture russe est secondaire et que l'histoire russe est un pur mal, un caprice, une abomination.

Mais les cultures de second plan  n'ont pas besoin d'être annulées. On ne les voit pas. Qui au monde songerait à abolir, disons, la culture ukrainienne ? Pour ce faire, vous devez d'abord la trouver. Mais où la trouvera même le voisin le plus proche des Ukrainiens - un Polonais ou un Hongrois ? Je ne parle pas des Chinois ou des Britanniques. Ils ne l'ont jamais rencontrée. Comme des centaines d'autres cultures. Et ils ne se rencontreront pas.

Et sur le monde russe on  trébuche à chaque pas. La culture russe est omniprésente. Sur les dix principaux compositeurs, écrivains, réalisateurs de films du monde, en tout cas, il y a au moins deux, voire trois Russes, et dans le monde il y a des milliers de peuples, des centaines d'États, un nombre incalculable de langues.

Les Russes sont les auteurs de la plus importante victoire militaire mondiale et de l'une des cinq révolutions mondiales les plus importantes.

Les Russes sont l'un des principaux créateurs de l'humanité telle que nous la connaissons aujourd'hui. Russes dans l'espace. Les Russes ont le Christ.

Les Russes, comme en octobre 1917, déclarent aujourd'hui au monde le droit à une autre décolonisation des maîtres blancs. Le monde entier nous regarde avec espoir.

.....L’entretien se poursuit encore.  

Il me semble que nous avons déjà là les éléments essentiels du propos.  Dérangeant ? Oui, quand on parle de la Russie,  de quoi parle-t-on ?

Le titre, que la Russie se perde un moment, est une idée répandue : qu’on nous oublie un peu,  qu’on nous laisse tranquille...

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