Comment en sont-ils arrivés là ? Des élites dirigeantes russes.

Publié le par Boyer Jakline

Sans doute n’est-ce pas le moment de creuser cette question essentielle... mais déjà l’avoir en tête. 

Je l’ai en tête depuis des mois. Entre une mauvaise solution,  opération militaire spéciale,  et une très mauvaise, permettre à l’Ukraine d’être à l’initiative du conflit pour rayer de la carte le Donbass,  ce qui, semble-t-il,  était à l’ordre du jour,  imminent,  le président russe a choisi la moins mauvaise. "Attaque défensive préventive" , comme l’analyse Emmanuel Todd,  un peu seul sur cette ligne en France.

Mais comment la Russie a-t-elle pu se trouver dans cette situation : l’OTAN à sa porte à l’ouest, mais aussi en Géorgie,  Arménie.  La Turquie soutenant l’Azerbaïdjan... Bref, toutes les frontières de l’ex URSS sous pression. 

Oui, depuis 2007 et le discours de Munich,  Vladimir Poutine a tenté encore et toujours de négocier : être membre de l’OTAN,  collaborer contre le terrorisme,  développer des relations convenables avec l’Ukraine etc, rester dans les accords sur la limitationdes armes,  que les États-Unis,  les uns après les autres,  quittaient etc... 

Mais déjà, la détermination de pousser l’avantage était première chez ceux qui se pensaient vainqueurs de la guerre froide et se lécher les babines devant le festin qu’ils se promettaient avec la chute de l’URSS.

"En finir enfin avec la Russie qui empêche le monde de vivre". Lech Walesa le 29 janvier 2023 et écrit noir sur blanc. Voir le texte intégral de Lech Walesa sue le site Russie politics.

Vladimir Poutine avait répondu par avance,  ayant compris les enjeux : ah quoi bon un monde sans la Russie ? C’était il y a quelques années. 

Festin il y eut. Dépeçage,  pillage de l’économie soviétique qu’on disait malade mais que "d’opportunités" ! La "mondialisation" et ses adeptes à l’intérieur et extérieur du pays a fait bombance. 

Car, oui, , cela n’a pu se réaliser qu’avec l’œuvre active de cette nouvelle bourgeoisie russe, souvent issue de la nomenclature soviétique. 

Et voilà que sans attendre, Alexandre Prokhanov, grand journaliste et écrivain, bardé de récompenses littéraires,  soviétiques,  met les pieds dans le plat. Il est proche de Zakhar Prilépine. Il se décrit comme "patriote socialiste"...

Membre de l’Union des écrivains soviétique,  il est un nom dans le monde russe. 

Dans sa boucleTelegram. 

J’en traduis de larges extraits.

La violence des mots tente de traduire la violence supportée par les populations de l’ensemble du territoire de la Fédération de Russie, mais aussi ceux qui ont voté leur indépendance  : dans ces pays,  le niveau de vie, la vie démocratique promise sont loin du rêve et des promesses. 

.... Des chars brûlent près de Bakhmut et des avions tombent près de Soledar. Des batteries d'Ukrainiens et de Russes se cherchent et se déchirent. Se transforme en ruine Donetsk. Des drones attaquent Engels, Sébastopol et Briansk. La défense aérienne est située sur les toits des maisons de Moscou. Les funérailles volent comme des libellules noires, frappant bruyamment le verre des habitations russes, bouriates, du Daghestan et tatares.

Mais ce n'est pas encore un bain de sang, ce n'est qu’un vestiaire... Ces quelques minutes ne sont pas sur la précieuse montre suisse portée au poignet des serviteurs du peuple. Pas sur les réveils dans les maisons des gens ordinaires qui, au son des crépitements, courent au travail le matin. Pas sur l'horloge Spassky, poussant d'un air menaçant les aiguilles dorées autour du cercle doré.

Non, ces minutes nous sont attribuées sur l'horloge de l'histoire russe, de sorte qu'avant que tout le peuple n'entre dans la bataille, nous ayons le temps de démêler son énigme.
La pouvoir russe crie comme un butor dans les marais. "Nous avons été trompés, hélas, " Ils ont trompé Gorbatchev en promettant de ne pas déplacer les divisions de l'OTAN vers l'est. Ils ont trompé Eltsine en promettant de ne pas troubler les eaux du Caucase. La Russie a été trompée lorsqu'on a promis à Ianoukovitch une résolution pacifique de la crise de Maïdan. La Russie a été trompée lorsqu'ils ont  fait traîner le temps avec les accords de Minsk et en même temps ont transformé l'Ukraine en une forteresse d'acier. L' Amérique a trompé, promettant d'aimer et de choyer la Russie, et envoie maintenant des drones d'artillerie et kamikazes à longue portée capables de frapper Moscou.

 

Le pouvoir russe actuel a-t-il été trompé par l'Occident traître et insidieux, qui a renoncé à ses promesses mélodieuses et poussé le tabouret sous les pieds de la Russie, où elle a été placée avec un nœud coulant autour du cou ? Que la classe dirigeante russe ne s'y trompe pas. Elle n'a pas été trompée par l'Europe, ou  par l'Amérique. Elle a été trompée par l'histoire russe, qui a fait  semblant d'être morte, puis a ressuscité."

 26 janvier. 

Le lendemain,  27 janvier,  il poursuit et affine sa réflexion. 

... "La classe dirigeante russe a convenu que la Russie s'était transformée en une souche misérable et avait perdu son statut d'État, en créant de fausses formes au lieu d'un véritable pouvoir. La classe dirigeante russe a convenu que l'armée russe disparaîtrait, que l'industrie de la défense et toute autre industrie capable de produire des machines et des biens disparaîtraient. La science capable de faire des découvertes a disparu. La culture capable de créer des chefs-d'œuvre de musique et de poésie a disparu. La classe dirigeante russe considérait la Russie comme un trophée qu'elle avait obtenu, et elle, cette classe dirigeante russe, était le surveillant désigné par l'Occident sur l'espace entre les trois océans, afin que l'histoire russe ne se réveille plus jamais ici. L'Occident a coupé l'arbre de l'histoire russe, en a laissé une souche. Cette souche a été remplie d'acide, saupoudrée de sel, scellée avec du béton,

Le peuple russe était considéré par la classe dirigeante comme un énorme mouton muet, dont on pouvait tondre la laine et la peau. Trente ans après la destruction de l'Union soviétique, le peuple russe a été pillé, plongé dans la misère, laissé végéter parmi des villes pourrissantes, des entreprises détruites, des routes défoncées.

Les richesses de la Russie, qui en ces trente années auraient pu faire du peuple russe le peuple le plus heureux, le plus éclairé, le plus prospère avec de nombreux enfants, ces richesses sont devenues la propriété d'oligarques sans cœur et sans scrupules ou ont été envoyées dans des banques occidentales et des titres américains. L'argent de ce peuple a quitté la Russie aujourd'hui, tout comme "l'argent du parti" l'a quitté après 1991, tout comme "l'or de Romanov" est parti après la révolution de février 1917. Et la Russie, ayant perdu son élite nationale, arrêtée dans son histoire, privée du travail séculaire qui a créé la grande civilisation impériale des Russes, la Russie n'est plus qu'un nom de marque sur l'étiquette d'une délicieuse vodka."

Ces propos,  radicaux, violents, excessifs (?) n’engagent que leur auteur... comme on dit.

Mais il me paraît très important que ce "vu de l’intérieur" par une voix qui compte vous donnerait à toucher du doigt ce qui se joue pour la Russie. Pour dire vite à l’heure actuelle c'est libéraux et patriotes. "Libéraux",  façon pudique de désigner le monde capitaliste russe, dont la situation a changé puisque tous les avoirs bancaires sont, illégalement, bloqués dans toutes les banques occidentales, contre "patriotes" qui n’est pas une catégorie homogène. 

Dans ces élites mondialistes,  il y a une part importante des élites intellectuelles et artistiques  dont beaucoup ont été choyées par le pouvoir soviétique... puis russe. Voir la note en fin d’article. 

À propos du caractère illégal du blocage des comptes russes, l’Union européenne travaille à une nouvelle législation... le rendant légal.

 

Au plan politique c’est le KPRF qui est porteur de cette analyse et enjoint le président du changer de cap.  À gauche toute, avec un geste qui aurait valeur de symbole : supprimer la réforme des retraites. 

Le Gogol tsentr, à  Moscou.  Je vivais tout près lors de mon travail au Lycée Français. Polina Agourééva.
Le Gogol tsentr, à  Moscou.  Je vivais tout près lors de mon travail au Lycée Français. Polina Agourééva.

Le Gogol tsentr, à Moscou. Je vivais tout près lors de mon travail au Lycée Français. Polina Agourééva.

Pour ajouter sur ce thème,  Polina Agoureeva monte un spectacle,  première le 5 février autour de deux œuvres : Les vivants et les morts, et On ne nait pas soldats. Grossman et Simonov. Au Gogol-tsentr.

Appel au boycott d’une partie de l’élite intellectuelle et artistique. La même qui dès l’URSS avait un regard méprisant sur le peuple. 

Débat autour de sa première mise en scène.  Il y a un article sur ce blog que j’ai consacré à Polina Agourééva, grande comédienne. 11 septembre 2022.

Elle est née et a  grandi à Volgograd-Stalingrad. 

Dans cette ville,  il reste 10% de pierres,  pas de maisons,  de pierres d’avant ce terrible affrontement.

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