Retour de Russie : les rencontres (1)
J’ai écrit cet article il y a déjà quelque temps. L’été, une fréquentation en légère baisse du blog me poussaient à en reporter la publication.
Or, la publication d’un oukaz du président russe facilitant "l’immigration idéologique" m’invite à publier. J’ai en effet fait la connaissance lors de mon dernier séjour d’une jeune femme installée en Russie pour ces raisons civilisationnelles, vous lirez dans l’article.
Mon séjour en Russie après 5 ans d’absence a fait son travail : j'ai retrouvé intactes ces sensations, réflexions qui se sont construites depuis l’adolescence.
Le temps est venu de rendre compte de ces moments les plus attendus : les contacts avec les Russes. C’était là ma motivation première : comment allaient mes amis ? Comment vivaient ils cette période de guerre ? Leur quotidien ? Leurs frustrations possibles, car nombre d’entre eux, francophiles invétérés, aimaient savoir possibles les séjours en France même s’ils ne se rendaient pas dans notre pays, pour des raisons financières essentiellement ?
Il est remarquable cependant que le consulat de France à Moscou continue de fournir des visas, même si les délais se sont allongés.
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Sur leur quotidien, je fus immédiatement renseignée. Ni à Moscou, ni en province aucune pénurie de quoi que ce soit. Le problème qui revient depuis des années, bien avant l’Opération militaire, c’est l’inflation. Déjà il y a 5 ans. On connaît. Cette façon de faire les poches à la population. Cela n’empêche que les petits plats soient mis dans les grands quand on vous invite. Le goût de l’accueil est intact.
Les enseignants, nombreux dans mes contacts, du secondaire surtout, pestent contre les réformes du système éducatif qui nourrit une perte de sens de l’enseignement. Le "Protocole de Bologne" adopté par une Russie globaliste va à l’encontre de la culture soviétique de l’éducation, toujours très présente chez les enseignants de toute génération. Besoin de qualité et de sens. Va-t-on vers un retour à cette culture ? Le président russe s’est exprimé dans ce sens. Suivi d’effets ? C'est une question non rhétorique : de très nombreuses déclarations restent lettre morte. Ça ne "suit" pas dans de trop nombreuses administrations.
Finalement, nous voilà au cœur de la politique russe, bousculée par la situation internationale, s’affrontent à pas feutrés ou ouvertement deux visions du futur du pays : globalistes et, pour dire vite, socialistes. De très nombreux, trop nombreux, dirigeants en poste appartiennent à la première catégorie.
Vladimir Poutine a déclaré plusieurs fois que c’est parmi ces Russes qui "défendent la patrie" au front que se recruteraient les nouvelles élites dirigeantes du pays. À bon entendeur...
Quant à la guerre, les 47 ou 50, je ne sais plus, pays les plus riches de la planète, et les mieux armés, campent à leurs frontières occidentales, il y a un très large consensus sur la conduite à tenir. Sans compter toutes les autres provocations sur les autres frontières de l’ex URSS.
Dernière info en date, une nouvelle offensive de "révolution de couleur" en Géorgie est en préparation dans les cartons américains. La Géorgie avec son parti le rêve georgien, renseignée par le malheur ukrainien, se tourne vers son indépendance et des relations positives avec Moscou.
La Géorgie fut un des terrains de jeu du sieur Gluksmann, aux côtés de Mikhail Saakachvili aujourd'hui en prison. Sans vergogne on nous le vend comme l’avenir de la gauche en France.
Certains théorisent : ce vaste territoire eurasien, d’une richesse insolente, est convoité régulièrement et attaqué. C'est dit régulièrement dans nos médias : pourquoi les Russes ont-ils le droit de posséder toutes ces richesses ?
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J’ai écouté cet été un excellent entretien de Karen Chakhnazarov. Il constate comment aujourd'hui l'OTAN ferme à la Russie l’accès aux mers, Baltique, Mer Noire. Tente de fermer ...
Mais il souligne que la Russie actuelle a des possibilités que n’avait pas Pierre Le Grand. Grâce aux nouvelles technologies, l’océan glacial Artique est une ouverture. Il souligne, ce disant, que cette guerre occidentale "pour nos valeurs" est une guerre économique des plus basiques. Et puis la Russie est un continent eurasien. Elle ne se prive pas de développer les politiques dans ces directions. Avec des partenaires motivés.
Donc, consensus indiscutable sur la politique russe. Évidemment, les "anti Poutine" sont confortés dans leur opposition: vision d’un impérialisme russe. Ils ont les mêmes arguments que nos politiques ici. Par amitié réelle, nous décidons de ne pas débattre. Je respecte leurs positions, après tout c'est leur pays. Et, de même, ma vision géopolitique, à partir de la France et de l’assujettissement total de nos élites aux intérêts américains ne peuvent être que différents voire opposés. Il reste chez ces amis là une vision dorée de la civilisation européenne dont ils font partie. Ils souffrent d’en être privés. La plupart, universitaires, ont des conditions de vie matérielles très correctes. Du moins à Moscou. C'est moins vrai en province où les salaires des enseignants du supérieur sont insuffisants alors que leur charge de travail et leur statut se sont terriblement dégradés. Par comparaison avec leur lointaine situation soviétique. C'est ce qui ressort de mes conversations avec un ami de la lointaine Bachkirie, universitaire, opposé au "capitaliste Poutine". Évidemment.
Donc, grande joie et réel bonheur que j’aie franchi toutes les étapes de ce marathon qu’est devenu un déplacement vers Moscou. Plus un budget. Ma présence soulignait que la "diplomatie populaire" si chère à leurs cœurs fonctionnait toujours, tous les ponts n’étaient pas rompus.
Je dois dire que, toute à l’organisation du marathon, j’avais complètement occulté le degré d’attente de mes amis. 5 ans.
Et puis il y a eu de nouvelles rencontres. Chez des amis communs, autour d’une table raffinée, je rencontre, appelons la Roberta, jeune française qui vient de s’installer en Russie avec son mari italien. Ils ont tout quitté, tout vendu, et les voilà depuis deux ans dans une petite ville à une heure de Moscou où nous nous rencontrons. Ils travaillent dans le milieu du cinéma. Scénariste, producteur. Après 20 ans à Hollywood, où ils ont appris le métier, ils sont saturés de l’idéologie américaine, cette "exclusivité". Fatigués aussi des woke, transgenre etc. Inquiets aussi de ces dérives. Leurs familles, bien sûr, leur rendent visite.
Ils ont des projets ambitieux pour développer une conscience de soi dans le cinéma russe. "Pourquoi se référer à des héros américains, alors qu’il y a de vrais héros ici, dans le Donbass par exemple ?". Ils établissent des contacts avec des élus à Moscou, des responsables de Mosfilm, et se déplacent dans tout le pays partout où le cinéma s’enseigne. Leur préoccupation immédiate : obtenir un visa suffisamment long pour pouvoir avancer dans ce projet forcément de longue haleine.
Oui il y a des "Occidentaux" qui choisissent la Russie. Je vous ai déjà parlé de ce couple d’amis bordelais qui ont pris la même décision. Ils se donnent 2 ans pour régler toutes les questions pratiques : logement, le vendre ou le louer etc... et apprendre le russe, pas une mince affaire. Ils ont des qualités professionnelles qui peuvent s’intégrer aux besoins russes. Pensent-ils. Ils n’ont jamais mis les pieds en Russie et envisagent cet hiver d’aller voir de plus près.
Leur motivation : la déliquescence de la France macronienne.
Mon point de vue n’est pas le même, non sur l’appréciation de l’état de mon pays, mais à aucun moment je n’ai envisagé de m’installer définitivement en Russie amie. C'est une discussion que j’ai eue avec eux, bien sûr, entre deux cours de russe.
La réaction de certains de mes amis russes, hostiles à Vladimir Poutine, face à cette situation, s’installer en Russie, est la même que celle de certains de mes amis en France : comment peut-on imaginer s’installer "dans la Russie de Poutine" ? Ces décisions interrogent et c'est tant mieux. Faire réfléchir ? S’informer autrement ou s’informer tout court ?
Il y a ces Occidentaux qui souhaitent s’installer en Russie, et il y a ces Russes qui vivent en Europe depuis des années et qui envisagent aujourd'hui de repartir au pays. Soit parce qu’on leur rend la vie difficile à cause de leurs noms russes ( blocage de comptes bancaires, France, Espagne), soit parce qu'ils sont inquiets de l’importance prise par l’idéologie trans dans les écoles maternelles ou primaires (Italie).
À suivre dans mon prochain article.