Olga Berggoltz ou l'histoire qui travaille les consciences. (2)
Elle fut le poète que Leningrad s'est choisi pendant le blocus.
Dès 1943, à la rupture du blocus, elle reçoit la médaille de la défense de Leningrad.
Mais l'événement inoubliable, c'est 1937-1939.
Ce qui n'empêche pas son adhésion au PC bolchevik en 1940.
Mais qui oblige.
Après ce compagnonnage, le moins que nous puissions faire, aujourd'hui, c'est d'être à la hauteur, sans rayer un seul mot, continuer le chemin.
Je traduis un extrait de son journal, qui donne la trame de son engagement politique et poétique.
Olga Fiodorovna lit ses vers et passe le flambeau. Émotion. Texte et traduction en suivant.
Ответ -
А я вам говорю, что нет
напрасно прожитых мной лет,
ненужно пройденных путей,
впустую слышанных вестей.
Нет невоспринятых миров,
нет мнимо розданных даров,
любви напрасной тоже нет,
любви обманутой, больной,
ее нетленно-чистый свет
всегда во мне,
всегда со мной.
И никогда не поздно снова
начать всю жизнь,
начать весь путь,
и так, чтоб в прошлом бы – ни слова,
ни стона бы не зачеркнуть.
Réponse : (titre, J B)
Et je vous dis, qu'il n'y a pas
des années vécues par moi pour rien,
des chemins inutiles parcourus,
des nouvelles entendues, vaines.
Il n'y a pas des mondes non accueillis,
ni de dons imaginairement distribués,
et ni d'aimer en vain non plus,
l'amour trompé, malade,
sa lumière pure ineffaçable
est toujours dans moi,
toujours avec moi.
Et il n'est jamais trop tard d'encore
commencer toute sa vie,
commencer toute sa route,
Et de telle façon que du passé pas une parole,
pas un gémissement ne soit rayé.
( souligné par moi, J.B)
Traduction d'un extrait de son journal :
..." Mais si je ne parle pas de la vie et des épreuves de ma génération dans les années 37-38, cela signifie que je ne parlerai pas de l'essentiel et tout ce qui a précédé: l'enfance, l'appel de la révolution, Lénine, adhérer au komsomol, au parti, et tout ce qui a suivi : la guerre, le blocus, ma vie d'aujourd'hui- tout sera quasiment démonétisé" 1959.
Particulièrement puissant et juste.J.B
En 1931 jeune journaliste, 21 ans, elle part avec deux amis travailler à Alma-Ata, Kazakhstan..
Traduction :
"La journée était verte et nous attaquions les montagnes.
Commencer : 1 - voilà, c'est comme ça que nous entrerons dans le socialisme.
On était en 1931. Peste, choléra, variole. L'eau était conservée dans des citrouilles explosées et on tentait de paver des rues, semblables à des marécages, où fleurissaient, flamboyantes, des amaryllis, et où aujourd'hui, l'asphalte recouvre tout ( trop d'aspahalte), tellement d'asphalte que tu ne sens plus la terre sous tes pieds. Mais, je le répète, alors il n'y avait pas d'asphalte. Il y avait des étals, des abords monstrueux, des petits gosses sales sur des petites jambes maigrelettes, ventrus ( des petits ventres marrons et des fesses décharnées) des femmes épuisées...
Tout cela était bien loin du socialisme, bien loin aussi d'une vie normale d'homme. D'une vie digne d'être humain.
Mais nous,suivant la route, avons fait un virage sec et aussitôt s'est offerte à nous la beauté brillante de la terre.
-Voilà, les amis, c'est comme ça que nous entrerons dans le socialisme- dit Lenka. (Leonid, dont il sera question plus tard)
Et nous, silencieux, sans contestation, d'un hochement de tête avons exprimé notre accord (silencieux car pleins d'émotion.)
C'était 1931. Nous étions jeunes, très jeunes, moi, Kolia, venus travailler au journal kazak, et notre ami Leonid, qui y travaillait déjà.
Oui, j'en témoigne, nous pensions comme ça alors, de ces pensées soufflées par notre poète préféré, maître de nos âmes, Mayakovski. Il venait juste de se suicider et la blessure en était pour nous aiguë, brûlante. mais c'était aussi une blessure qui nous avait juste traversés, nous le sentions toujours vivant et répétions après lui:
" On dirait qu'il suffit de dénouer cette ligne
et tu grimperas vers une vie étonnante,
en enjambant d'autres lignes..."( Mayakovski De Cela. J.B)
Et nous pensions avec lui que le socialisme allait advenir, non, pas advenir, arriver, mais non, tout d'un coup, il s'avancera, fondra sur nous, après un pas, on ne sait lequel, d'un coup....
Nous nous envolerons, nous accourrons dans lui, suivant les lignes de poésie grandiose, empruntant une route escarpée, droite, entourée de beauté...allez, encore deux pas, encore quelques strophes enivrantes, enflammées et le voilà, lui...
Rien ne fut comme il nous semblait en cette journée verte.
Nous trois,et moi, et Léonid, dûmes, subir les années 1937 et 1939.
Et même notre travail sacrificiel de 1931, dans ces jours où nous rêvions de socialisme, fut condamné et présenté comme une activité ennemie. Après, vint la guerre. Nikolaï est mort de faim en 1942. Ce qu'il nous est arrivé, à nous trois, est arrivé à des millions..."
Fin provisoire de traduction...
(Je poursuivrai cette traduction, encore un peu, pour aller au bout de son raisonnement et témoignage, encore un paragraphe à venir...)
Les quelques vers de 1975, cité plus haut, donnent le ton de l'ensemble de ses mémoires.