Bordeaux confiné, 4ème semaine. Chronique.

Publié le par Boyer Jakline

On ne sait pas comment,  les jours passent,  les semaines aussi. 

Je regarde   le pouvoir  serrer toutes les vis. Pour notre bien,  bien sûr. 

L'impossible ministre de l'intérieur  indique  que les Français sont favorables au  " tracking",  entendre fichage  via nos téléphones.  Le mot américain veut  donner de la distance à la chose. En même temps,  tracking ressemble à  traquer  et c'est bien de cela qu'il est question. 

Là,  je suis tout de même obligée de dire que les défenseurs-de-la- liberté-partout-dans-le-monde, surtout en Russie trouvent tout normal,  justifié.  

D'ailleurs,  la stratégie  du pouvoir russe semble bien  molle en comparaison. Il faut dire que  la  gestion de cette crise aux gouverneurs se justifie en partie  par l'inégal développement de l'épidémie.  Bien que  les sondages indiquent que les deux tiers de la population est stressé par le flot d'information,  infox(?), dans les médias. Souhaitons à cette population d'apprendre à éteindre la télévision. Chez nous aussi.  

Comme le commentait un ami moscovite à qui  j'expliquais  l'attestation  etc... sa réaction,  pleine d'humour  fut : " on s'occupe bien de vous !".

Oui, on s'occupe de nous.  Bien ?

Je respecte le rythme personnel que j'ai mis en place. Force est de constater dans mes sorties que la plupart de ceux que je croise  ont l'air tétanisé par les consignes et répondent à peine à mon salut. 

Mais je trouve quelques délurés avec qui, un mètre de distance...  j'échange. 

"Enterrer les morts, réparer les vivants " cette phrase de Tchekhov,  Anton Pavlovitch, encore lui, me permet  d'aborder le traitement imposé concernant les enterrements.  Un ami est mort au tout début du confinement.  Il luttait depuis des années avec un cancer  professionnel  lié à  l'amiante.  Il travaillait au port de Bordeaux.  Merci patron. 

Et donc, il est parti  seul,  avec sa veuve, ses enfants,  sans nous,  ses amis de nombreux combats.

Un hommage lui sera rendu,  après. 

Était ce nécessaire ? 

Krasnaya Presnya. Photo Lori.

 

Enterrer ses morts c'est permettre de réparer les vivants,  voilà ce que nous dit Tchekhov,  médecin.  J'ai visité  à  Moscou son cabinet.  Dans un quartier  alors populaire et ouvrier qui fut  au coeur de la Révolution d'octobre, Krasnaya Pressnya.  Aujourd'hui,  comme beaucoup de quartiers de centre ville,  il est devenu plus sélect.  Gentrification. 

J'ai la même  réflexion à propos des EHPAD.  Les pensionnaires sont confinés, certes. Mais  dans ces établissements où la gestion est correcte, oui, oui, il y en a,  ces personnes privées  des leurs ne sont ils pas mis en danger  autrement ?  Mourir  seuls ? Les antidépresseurs à la rescousse...

Dans mon quartier,  le grand marché reste ouvert, un arrêté préfectoral limite à 80 le nombre de personnes.  Filtres à l'entrée,  queue  qui s'étire,  1 mètre.

Deux maraîchers locaux ont déposé devant leur étal une corbeille " pour les  soignants ". On peut y déposer fruits et légumes. Décidément,  ces soignants applaudis, nourris... Tous se sentent concernés, veulent faire quelque chose.  Or, l'urgence ce sont les moyens  en matériel  en personnel.  Et là  notre empathie fera peu. C'est au gouvernement de faire les gestes.  De ce côté là beaucoup de paroles mais peu d'actes. Alors, on applaudit,  on collecte de la nourriture.  Étonnant. 

Et partout on s'étonne de la sévérité hygiéniste à l'égard des marchés à ciel ouvert alors que les grandes surfaces prospèrent. 

Au passage,  non le virus  ne se promène pas dans l'air.  Une biologiste interrogée dans 28',  Arte.

Cela fait partie  de ces trop nombreuses incohérences dans la gestion par "nos" responsables. 

Mon marchand de journaux que je  visite plus que  d'ordinaire est une source  d'information : il me raconte que sa femme lui a fait un masque,  elle voulait en faire pour toute la famille,  mais  voilà,  me dit il, on ne trouve plus d'élastique...Tandis que des voisins que je croise m'indiquent qu'ils viennent d'acheter,  5 euros,  des masques que confectionne une couturière... 

Bref, ça  s'organise,  en ne comptant que sur soi-même.  Créativité,  opportunité  louables mais cela a ses limites évidentes.  

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article