Prendre du recul ? de la hauteur ? faire marcher sa tête ! (2)

Publié le par Boyer Jaakline

Revue de presse : articles tirés de la revue "La Russie dans la politique mondialisée". Publiés début décembre.
Fiodor Loukianov, universitaire, journaliste, spécialiste des questions internationales, dirige le conseil de politique étrangère et de défense russes . 

Serguei Karaganov, politologue, universitaire, président d'honneur du même conseil. 
leurs visions des événements en cours et des enjeux géopolitiques en Europe pour l'un, l'analyse de la situation russe et ses causes, pour l'autre donnent du grain à moudre.

 

 

  Autre Europe et autre Eurasie par Fiodor Loukianov

 

" En 2014, l'Europe et la Russie ont franchi le Rubicon.

Ce qui signifie qu'aucun retour en arrière n'est envisageable.

Jusqu'à il y a peu " un partenariat stratégique " semblait lier Europe et Russie. Cela sonnait bien, même si le contenu en était flou. Tant à Moscou qu'à Bruxelles, officiellement et officieusement, ce partenariat était promis à un approfondissement, l'interaction des deux parties étant incontournable.

Et puis, vinrent les événements en Ukraine, qui montrèrent qu'il ne faut jamais dire jamais.

Défaire des relations  avantageuses pour  deux parties peut s'opérer  très rapidement.

L'abandon de la construction du gazoduc du Sud (south stream), annoncé par le président russe en Turquie début décembre confirme un changement de politique.

 

Interviewé à la télévision, Aleksei Miller, P-DG de Gazprom a expliqué le caractère conceptuellement nouveau de la décision prise : jusqu'alors, il s'agissait pour la compagnie russe d'amener le gaz jusqu'au consommateur, et, de fait, développer l'intégration économique dans l’UE.

On pourrait penser qu'il s'agit là d'un coup de bluff pour amener l’UE à négocier. Mais ce n'est pas le cas, il s'agit, suite aux événements de l'année 2014, d'une réorientation vers l'Est de la politique russe.
Pendant 40 ans ces contrats à long terme de fourniture de gaz ont lié l'URSS/Russie et l'Europe/U.E. Il était question d'interdépendance économique. Mais pas seulement. Géopolitique aussi.

La RFA, république fédérale d'Allemagne, était la cheville ouvrière de ces relations. Dans les années cinquante et soixante elle se hâta de rétablir sa présence sur les marchés orientaux. Cette forme d'expansion lui était seule autorisée, en tant que pays vaincu.

Ainsi, le gaz sibérien arrivait par gazoducs allemands jusqu'en Europe. Ce système résista et à la guerre froide, et à la réunification de l'Allemagne, et à la chute de l'URSS.
Il a trébuché sur l'Ukraine.

Berlin est quasiment devenu le principal opposant à Moscou. Non pas parce que cédant à un chantage américain, comme beaucoup le croient ici, inutilement, mais parce que retrouvant une position hégémonique politique en Europe.

L'Allemagne change en partie à cause de la crise européenne. Principale bénéficiaire de l'intégration européenne, elle ne peut laisser s'effondrer le projet européen.

Mais, plus fondamentalement, l'Allemagne a digéré son histoire du Xxième siècle et, après avoir fait profil bas pendant plus d'un demi siècle, elle est prête à assumer le leadership en Europe.

Ce qui passe par des décisions douloureuses pour elle même et pour les autres.

Le premier acte fut la banqueroute de Chypre organisée par Berlin.
Un nouveau modèle économique doit être trouvé,

Berlin doit imaginer de nouvelles règles au fonctionnement de l'UE, ce qui ne va pas aller sans une opposition grandissante en Europe.

Parmi les décisions, par exemple, sacrifier ses très bonnes relations avec Moscou

Gerhard Schröder fête ses 70 ans avec Vladimir Poutine, le 30 avril dernier dans un palais de St-Pétersbourg. L'auteur des " grandes réformes courageuses ", ( salaire à 1 euro / heure, smic à 400 euros...) est vice président du consortium  "North stream" dont l'actionnaire principal est Gazprom...!

 

 Encore qu'il convient de noter que l'Allemagne s'est dotée, en partenariat avec la Russie, d'un gazoduc du Nord (north stream) qui la met à l'abri des soubresauts et ruptures ukrainiens...

Mais Berlin ne peut faire cavalier seul et doit donner des gages de sa fidélité atlantique.
Paradoxe, c'est sur le dossier ukrainien que l'Allemagne peut manifester sa solidarité  avec les USA. " F.L

 

 

 Sergueï Karaganov, extraits d'une longue interview, abordant questions internationales et de poltique intérieure.

J'ai choisi de reproduire ces dernières.

Répondant à une question du journaliste, il déclare :

" Les sanctions occidentales pointent nos faiblesses.

Ces sanctions sont stupides et n'ont aucun sens. (encore  faut-il  se souvenir qu'au départ elles avaient pour objectif de soulever le peuple, virer Poutine et obtenir un changement de régime en Russie, projet d'emblée voué à l'échec ...).

Mais elles ralentissent le développement de notre économie. Elles confirment que pendant 7 à 8 ans nous n'avons eu aucune politique économique. C'est un vrai gâchis. La " modernisation industrielle ", qu'on évoquait sans cesse, ce n'était que de la parlotte.
Sanctions ou pas, chute du prix du pétrole ou pas, notre économie tournait au ralenti.

Nos élites ne se sont pas préoccupé d'en assurer la relance, bien que nous ayons de magnifiques opportunités. Nous avons vécu sur la rente pétrolière et nous sommes octroyé des revenus sans rapport avec la productivité de notre travail. Renforçant en outre notre dépendance aux importations.

Aujourd'hui, l'effondrement du rouble va, peut être, nous obliger à vivre selon nos capacités et nous atteler, enfin, à la reconstruction de notre industrie. "

 

Karagonov explique depuis longtemps que la Russie doit se recentrer sur son propre développement et s'inquiète du peu de cas fait de ce qu'il appelle " le capital humain ".
Le journaliste note que le budget militaire a dépassé de 46% en 2014 les budgets éducation/santé.
En 2015, ce sera de 216%... !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans la vie comme elle va

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