Quelques éléments de réflexion autour de la nouvelle " affaire des poisons "

Publié le par Boyer Jakline

Ce 23 mars, l'Union Européenne rappelle son ambassadeur à Moscou.

23 diplomates russes ont quitté Londres et 23 diplomates anglais ont quitté Moscou.

Que se cache t il derrière cette nouvelle étape de discorde et qu'avons nous, nous les peuples européens, à y gagner ? 

Rien. Beaucoup à perdre. Tension dangereuse. Quels sont les dessous de cette affaire ?

Tout d'abord, les Russes nient toute participation à cette " provocation". Pensent que les services secrets anglais sont tout à fait capables d'avoir créé cette situation. D'ailleurs aucun élément concret n'est fourni à la Russie, qui les a demandés. Coupable, forcément coupable, comme disait Marguerite Duras.... sur un tout autre sujet....

Teresa May, en grande difficulté intérieure, joue-t-elle les porteurs d'eau des USA.....comme l'analyse la Russie ? Ils ont commencé une enquête car, si le père empoisonné est anglais ( et russe ) sa fille, elle, est citoyenne de la Fédération de Russie. Ils s'étonnent qu'aucun image ne filtre et notent que dans toutes ces affaires semblables, après le scandale de départ, tout est verrouillé et rien ne filtre. D'ailleurs aucune de ces enquêtes n'est bouclée.

A savoir cependant que l'argent russe continue d'affluer sur la place financière londonnienne et que, s'il est un domaine intouchable par la vertueuse Teresa, c'est bien les placements des oligarques : expulser des diplomates, oui, des oligarques ? la liste publiée de l'immobilier qu'ils détiennent en vue de confiscation ? à voir...

Cet argent russe massivement affluant vers les places financières,  pratique de  la Banque Centrale russe, a été au coeur de la campagne électorale du côté du candidat du Front de Gauche.
Je vois que la présidente du Parlement russe, Valentina Matvienko, vient de proposer, reprenant une proposition de Pavel Groudinine, que la Russie quitte l'OMC, intégré après moultes efforts... On le voit, grande redistribution des cartes ... et luttes sans merci des puissances.

Voilà pour " l'affaire " elle même. La énième..... Franchement, trop c'est trop.

Or, derrière il y a plusieurs éléments :

1- la pression des USA sur les états européens pour qu'ils achètent leur gaz de schiste et n'achètent plus le gaz russe..  Dans ce but , une énorme pression est exercée pour empêcher la construction du gazoduc nord, conçu pour contourner l'Ukraine instable.

Cettte pression s'exerce directement, mais souligne un politologue russe, elle va se poursuivre par le " soft power ", c'est à dire mettre en place des dirigeants dans les états européens acquis aux intérêts américains ( voir the young leaders academy et la liste des dirigeants politiques et économiques qui y ont participé.)... Pour le dire franchement, le travail est  déjà bien avancé.... Evidemment, il est question là non des salariés américains ou des personnes comme vous et moi, mais des dirigeants hégémoniques où tout ce petit monde se retrouve, de Davos au G7. 

Ceci explique sans doute la paranoïa sur " l'ingérence russe "... Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais...

2- plus immédiatement grave: la " coalition " est prête à bombarder Damas et le Palais présidentiel pour faire la peau à Bachar el-Assad. Sans tenir compte de la présence dans le secteur de diplomates russes. Je mets en lien une carte éloquente, transmise par une amie française vivant à Athènes. Tandis que la Turquie est entrée en Syrie pour combattre les Kurdes, s'appuyant sur les djihadistes, que ces mêmes Kurdes venaient de défaire. 

Ainsi, l'objectif réel de ces campagnes syriennes apparaît au grand jour : non pas guerre contre le terrorisme, mais faire place nette et se débarrasser d'un pouvoir qui empêche de redistribuer les cartes dans la région. Ce qui ne donne pas quittus de ma part au pouvoir syrien. Sorte de Libye bis....

J'entends dans un débat à la TV russe, vendredi dernier, que la Pologne, les Pays baltes et LA FRANCE envisageraient de renvoyer un certain nombre de diplomates russes... Jusqu'où va aller  ce délire ? Pour le bien de qui ?

Et je vois que Le Drian, en visite à Kiev, vient de vendre 55 hélicoptères pour équiper la police et l'armée ukrainiennes. La référence aux Accords de Minsk auxquels se tient la partie russe semble du coup un geste symbolique ... Para bellum...si tu veux la paix.

 

Quoi qu'on pense du président russe, je veux signaler un mensonge par omission de nombre de médias, y compris France Culture, seule radio à laquelle je reste à peu près fidèle.

Non, les dirigeants européens ne se sont pas précipités pour féliciter le président de sa réélection.

Par contre, le soir même, de nombreux dirigeants d'Amérique latine l'ont appelé, et la Chine et Cuba.... Nombrilisme de l'Union Européenne et de ses serviteurs zélés dans les médias.
Extrait de l'analyse publiée par le Monde le 17 mars dernier de Jean Radvanyi,
spécialiste à l'INALCO de la Russie et de l'ex- espace soviétique.

......Construction d’une « menace »

Les principaux médias occidentaux ont largement commenté ces événements en soulignant ce qui est, selon eux, la manifestation évidente d’un regain d’agressivité russe. Or, comme l’a montré Pierre ­Conesa dans son ouvrage La Fabrication de l’ennemi (Laffont, 2011), la désignation d’un ennemi n’a rien de naturel ; la construction d’une « menace » a ses règles et ses acteurs. Et il ne manque pas de voix pour actionner cette spirale des menaces. En Russie, les grands médias, tous contrôlés par le pouvoir ou ses proches, ne ratent pas une occasion pour mobiliser l’opinion contre les complots, l’agression permanente dont ferait l’objet leur pays de la part de l’Occident. Mais, en Occident, tout est bon pour construire patiemment l’image d’une Russie menaçante qui, sous la houlette de M. Poutine, ne peut qu’être agressive.

Arte se délecte du succès de la série Occupied,qui met en scène une Norvège envahie par les Russes, et la BBC s’était distinguée en produisant en 2016 un docu-fiction très réaliste, Inside the War Room, montrant comment on arrivait à la troisième guerre mondiale à partir d’incidents survenus dans la minorité russe de Lettonie. Les alarmes de l’opinion des Etats baltes ont d’ailleurs été suivies d’effet ­puisque l’OTAN a décidé au sommet de Varsovie (juillet 2016) de créer dans chacun des trois Etats un bataillon censé les protéger de la menace russe.

.....Nouvelles sanctions contre Moscou


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/17/jean-radvanyi-la-spirale-des-menaces-est-relancee-entre-russes-et-occidentaux_5272394_3232.html#5BDwou9wYvRPcZDF.99

 

Tous les spécialistes un peu sérieux, je veux dire non engagés dans cette bataille politique et idéologique des Occidentaux, et malheureusement, ils sont nombreux dans la confrérie des "spécialistes de la Russie " bardés de diplômes et références, présents sur nos médias, tous les spécialistes un peu sérieux donc, tendent tous vers une vision plus équilibrée,  avec des nuances cependant. Je ne partage pas la totalité de l'analyse de Jean Radvanyi, telle qu'exposée dans son article.

 

Je signale, bien que je ne l'aie pas encore lu, le dernier essai de Régis Debray : " Comment  nous sommes devenus américains ". Toujours du grain à moudre...

Publié dans du grain à moudre.

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