Prague, loin du printemps. Moscou aussi.

Publié le par Boyer Jakline

Prague :

44 états "européens" réunis à Prague pour montrer "l’unité politique" du groupe. 

Sauf "les deux dictatures, la Russie et la Biélorussie". Les guillemets,  car c'est le commentaire de France 24.

Plus la Turquie,  dont l’adhésion à l’Union européenne est un serpent de mer depuis deux décennies.  Mais,  que voulez-vous,  les temps sont rudes. Gros plan de la caméra sur Victor Orban,  notoirement hostile aux décisions de l’UE concernant la guerre en Ukraine. 

Mais bon, com’ oblige,  unité politique affichée. Rendez-vous est pris pour dans 6 mois. Où en serons-nous dans 6 mois, après l’hiver 2022-2023,  où les dirigeants européens ont fait le choix de couper le robinet du gaz russe ? On apprend que les gros consortium allemands vont délocaliser leurs productions aux États-Unis. Cette Berezina assumée des élites dirigeantes européennes éclaire crûment notre refus du Traité européen de 2005. Ces politiques ont-ils autorité pour remettre en cause les consultations des populations du Donbass ?

Prague,  d’ailleurs, c'est aussi la capitale où par deux fois déjà ces dernières semaines la population est sortie dans la rue par milliers pour demander l’arrêt de livraisons d'armes à l’Ukraine,  la sortie de l’OTAN et la démission du gouvernement. 

Mais vous n’en saurez rien dans les médias mainstream. 

Sortir dans la rue : 

De plus en plus de citoyens dans de plus en plus de pays,  poussés par les difficultés grandissantes de vie, justifiées sans vergogne par " la guerre en Ukraine " que ces élites entretiennent scrupuleusement. 

À lire l’analyse du Monde Diplomatique d’octobre : les faux amis de l’Ukraine.  Où vous apprendrez que l’accord signé entre l’UE et le gouvernement ukrainien a livré plus avant aux intérêts capitalistes l’économie de l’Ukraine.  SMIC à 180 euros,  comme symptôme. 

 

 

 

 

 

Moscou :

Sur le site du KPRF,  le 8 octobre :

« Ce serait la plus grande naïveté, voire un crime, d'avoir une attitude frivole face à cette guerre réelle, obstinée et sanglante. La guerre doit être menée pour de vrai, ou elle ne doit pas être menée du tout. Il n'y a pas de juste milieu ici... Hannibal est à la porte, nous ne devons pas l'oublier une minute .

VI Lénine, 1918.

Youri Afonine, un dirigeant du KPRF, sur la chaîne Rossia 1:

Pour résister dans un  conflit qui est appelé à durer avec l’Occident, nous devons absolument stopper la chute vertigineuse du niveau de vie. 

 

 

La société russe est secouée par l’élargissement du conflit et la mobilisation partielle. Rappel : cette mobilisation de 300.000 personnes concerne 1,2% des réservistes, sur les 25 millions.  Sur ce sujet aussi on entend aussi n’importe quoi.

Avec cette décision politique,  la guerre s’est invitée dans la société russe, dont une grande partie ne se sentait pas trop concernée.

Les derniers sondages,  Levada tsentr, considéré comme "agent de l’étranger", donc Indépendant,  indiquent, que le soutien à Vladimir Poutine est intact  71%, mais grandit le nombre de ceux qui souhaitent que la guerre se termine au plus vite. 

Les couacs du recrutement,  les citoyens quittant à la hâte le pays, tout est dans le débat télévisé public.

Mais aussi les engagés volontaires,  ignorés chez nous. 

Qui part ? Évaluée à 7% de la population, la plus "libérale" et au niveau de vie très au-dessus de la moyenne,  c’est dans cette partie de la population que se recrutent avant tout ceux qui partent. Certains de ceux qui sont partis dès le 24 février sont revenus. Le show biz est en première ligne de la critique et le débat ouvert il y a des mois, avant le 24 février s’est amplifié. Il leur est avant tout reproché d’avoir complètement intégré les "valeurs " occidentales : la jouissance individuelle,  l’individualisme.  Oui, pour nous ce débat est hors-sol,  car nous vivons,  sommes pétris de ce monde dont nous voyons bien aujourd'hui combien il laisse de personnes sur le bord de la route. 

Les plus fervents agitateurs de ce débat public sont des pointures dans leur domaine : Nikita Mikhalkov et Zakhar Prilépine. Ils ne cessent d’interpeller les milieux dits de la création,  peu enclins à "servir le pays" et le peuple pour lequel ils manifestent un mépris,  souvent profond. Ce  sont des pacifistes, disent nos deux artistes, qui ne dénoncent la guerre que  lorsque la mène leur pays. Ils sont très friands des films hollywoodiens où la guerre est un fond de commerce incontournable. 

Je vous livre là le fond d’un débat récurrent.  À vous de voir comment vous découvrez cette autre planète. Je vous le livre comme je l’entends : matière à réflexion.  Cela souligne l’indigence de ce à quoi nous avons droit ici, en France. 

Zakhar Prilèpine regrette à longueur d’antenne que pas un théâtre de Moscou ou de St-Petersbourg ne traite de cette guerre.  Il le compare à l’engagement, au  front et dans leurs créations,  des Cholokhov, Simonov, Vassili Grossman, pendant la Grande Guerre Patriotique. Mais sa culture politique et historique est trop grande  pour qu'il ne dise en même temps que depuis 1991, c’est un autre pays  dirigée par la bourgeoisie libérale qui a organisé le pillage du pays. " La Russie actuelle se bat pour son futur contre la Russie hideuse de1991". Cette élite là,  ses artistes se dévoilent dans ce moment "de vérité", comme me le dit une amie moscovite et intellectuelle.  "C'est un moment de vérité entre l’État et la société " État qu’elle écrit avec une majuscule.  Nous sommes sur Skype. Il ne lui viendrait pas à l’idée de partir. Son mari, ingénieur dans une grande entreprise,  de culture complètement soviétique, est dans le même état d'esprit. 

Une autre amie proche, intellectuelle, que j’ai reçue plusieurs fois à Bordeaux,  se sent engagée ", comme une autre, intellectuelle de haut vol qui décrit le désarroi de nombre de ses collègues. "

"Ce qui est terrible,  me dit l’une d’elles,    c’est qu’ils parlent comme nous, en 1941 identifier l’ennemi était évident. Là, nous sommes si proches."

Et c'est vrai que bien au-delà du Donbass, russophone ? russe? la langue russe est partout, la langue ukrainienne est très semblable au russe. Guerre fratricide ?

Ils ne sont pas proches seulement par la langue.  Familles,  amis sont mêlés. Et combien de dirigeants soviétiques étaient originaires d’Ukraine...

Une catastrophe. Mais il est  impossible de se dérober.  "Nous sommes toujours en selle", me dit une autre amie, psychanalyste. 

Pour ma part, je considère que c'est le pire dans cette situation créée par Européens et Américains : avoir réussi à mettre un coin entre ces deux pays. Avec l’aide? la complicité ? de l’élite libérale au pouvoir en Russie, qui, elle aussi,  est prise à partie. Des changements de personnels politiques s’opèrent et sont appelés à se poursuivre. 

Ce qui fait analyser par une autre gauche, citant volontiers Trotsky à côté de Lénine, opposée à la voie choisie par Vladimir Poutine, qu’une lutte pour le pouvoir est en cours au sommet de l’état.

J’ai cette discussion ouvertement politique avec un de mes amis. (Skype).

Nous sommes en désaccord. Peut-on souhaiter un changement forcément violent ? Un temps évoqué 1916, quand le tsar s’est engagé dans la première guerre mondiale,  signant le début de sa fin,  le peuple s’est retrouvé armé. Mais la comparaison s’arrête là.  Pas de bolcheviks à l’horizon en 2022. Et peut-on souhaiter un nouveau chaos à ce peuple ? Une fois de plus, c’est de l’ouest que le malheur s’est abattu sur ce pays. 1918, guerre dite civile. Déjà les "coalisés", Angleterre,  France etc...

Nous sommes tombés d’accord sur ce constat et avons bien compris nos situations différentes : eux, citoyens russes,  sont entrés dans un conflit dur.

Moi, comment puis-je m’aligner sur les odieux mensonges guerriers des Macron,  von der Leyen ou Biden ? Moi, et d’autres dans le pays. Peut-être plus nombreux que la propagande anesthésiante le laisse penser, " le voluptueux bourrage de crâne" qui déresponsabilise. Indice : la fréquentation très accrue de mon modeste blog.

 Le pouvoir est-il menacé ? Par qui ? Qui pourrait s’en saisir,  quelle force politique ? Ce débat est donc dans une partie de la gauche non communiste. Un de leurs maîtres à penser, Kagarlitski,  professeur de sociologie à Moscou, développe ces idées sur son site dans de longs entretiens.  Il continue d’émettre après avoir accepté,  dernièrement,  son statut "d’agent de l’étranger". Sur ce statut,  voir plus bas l’explication. 

J’ai consacré à Kagarlitski un article le 10 novembre 2021. Vous pouvez le retrouver.

Et puis, il y a ces amis auprès desquels je suis présente sans aborder cette situation : nous connaissons nos points de vue,  opposés.  Pas la peine d’en débattre. Attendre des jours meilleurs. Qui viendront. 

Et ceux avec qui j’ai repris contact,  cherchant à élargir ma " base statistique" d’information. Ceux qui ont quitté Donetsk pour se réfugier dans le sud de la Russie proche.  Ils se réjouissent du vote, du rattachement et croient dur comme fer que la vie normale va reprendre pour eux.

 

 

 

 

 

Dernières nouvelles :

1-

Envoi de 70 bombes sur de nombreuses infrastructures ukrainiennes :

cette décision,  riposte à l’attaque du pont de Crimée,  a été prise en accord avec une disposition prévue par l’ONU. Vladimir Poutine continue de s’appuyer sur le droit international encore non aboli,  même si les États-Unis s’en sont affranchis allègrement,  s’appuyant désormais sur des "règles" à leur convenance. 

Ces bombardements ont été un avertissement.  Pas un anéantissement. Qui n'est pas souhaité par la Russie.  Endommagé mais réparable. Comme les gazoducs ou le pont de Crimée.  

Entendre Jens Stolterberg, secrétaire général de l’OTAN,  déclarer que ces bombardements sont un signe de faiblesse de Vladimir Poutine  n’est pas encourageant pour la suite. 

Le conflit qui était cantonné dans les zones limitrophes et amies s’est invité sur tout le territoire.  Ce qui n’était pas le souhait initial.  " Mesure 7 fois, coupe une seule" dit un proverbe russe. Devant la surdité et la rage de Zélenski et sa clique,  oui, il a fallu couper en une seule fois après avoir mesuré sept.

Hier, circulait une petite vidéo sur nos réseaux sociaux : des habitants de Kiev réfugiés dans le métro et chantant. Certes. Mais cette persistance à ignorer les citoyens du Donbass et  les sites civils,  exclusivement civils, visés avec son lot de morts quotidiens,  hier un marché,  19 morts, avant hier une supérette 20 morts. Aujourd'hui,  un bâtiment résidentiel visé...Plus ces terribles exactions systématiques dans les territoires récupérés dernièrement par Kiev. Voir mon article précédent "silence, on tue". Voir, revoir,  la haine de Porochenko à l’égard de ces populations. (documents de Anne-Laure Bonnel sur ce blog)

Comment peut-on être complice de tous ces meurtres ? 

Le Donbass,  400 ans russe,  30 ans ukrainien. L’Ukraine l’a de fait désigné personna non grata,  en refusant les accords de Minsk et les martyrisant depuis 8 ans.

 

2-

Agent de l’étranger,  quésaco. 

Cette loi est inspirée par une loi américaine des années 30. Toujours en vigueur. Se souvenir comment vous devez montrer patte blanche pour obtenir un visa d’entrée aux États-Unis. Entre autres.

Dans de nombreux domaines,  la nouvelle Russie  a cherché des modèles dans les pays "démocratiques" occidentaux. Les guillemets  s’imposent.

Si vous recevez un financement plus ou moins substantiel d’une association,  institution étrangère,  pour continuer à exister,  vous devez vous déclarer auprès du ministère de l'intérieur,  "agent de l’étranger",  indiquant que votre positionnement peut correspondre à des intérêts non nationaux.  

3-

Apprenez que depuis le 22 septembre  les mariages en Russie sont en croissance exponentielle...

Parmi eux, les mobilisables, les mobilisés,  ceux dont la compagne est enceinte. 

4-

La Hongrie et la Serbie avaient un projet de construction d’un gazoduc pour se connecter au plus vieux gazoduc Droujba.  L’Union européenne l’interdit. 

À suivre  ?

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