Courir, fuir .

Publié le par Boyer Jakline

le numéro dont je vous parle .
le numéro dont je vous parle .

En russe, le même verbe dit " courir " et " fuir ".
Donc, nos " migrants ", nos réfugiés, sont, en russe, des gens qui fuient.

La TV russe, comme nos canaux, nous abreuve, intoxique, d'images en boucle. A tel point que le téléspectateur trop zélé imagine l'Europe en proie aux hordes, si possible musulmanes, Bref, " silence, l'Europe se meurt " !

Comme chez nous, l'argument est dit à l'envi que ce sont nos " allocations familiales " qui les attirent . "Vivez moins bien et ils ne viendront pas "... Ces idées rôdent ou s'expriment sans complexe .

Là-bas comme ici, ces " arguments " me sont insupportables . Surtout quand ils viennent de gens avec qui j'ai des relations d'amitié réelles. Donc, les débats furent fréquents et vifs. Le souhait chez eux d'entendre d'autres arguments aussi .
Et voilà que je trouve dans la presse russe un article d'analyse .

C'est un hebdo que j'aime bien lire quand je suis en Russie : " Les arguments de la semaine", tirage du n° : 587.000 exemplaires. Visites mensuelles de leur version online : 10 millions 800.000 ."

" Prolétaires du monde entier, unissez vous et abonnez vous ", annonce-t-il en manchette en première page .

L'article en premiere page du n° du 17-23 septembre, met les points sur les i .

" Qui fuit ?, Tout le monde, semble-t-il. ".

Il précise :" ceux qui visitent l'Europe en ce moment n'y observent aucune apocalypse . Certes on parle beaucoup des " fuyards ", mais ils n'ont pas encore frappé à chaque porte . Et cela n'arrivera pas. L'Europe va digérer cet afflux, comme bien souvent par le passé ."

Je note que la même manipulation des esprits a lieu ici, et, de retour, je vois toujours les mêmes images, les mêmes micros tendus systématiquement à Marine Le Pen.

" Avec une joie mauvaise - poursuit Andréï Ouglanov- certains commentateurs laissent entendre que ce serait la fin de l'Europe, et que, demain, Allemands et Hollandais vont demander asile à la Russie pour fuir les minarets ".

Il note que ces mêmes commentateurs sont bien contents que, du coup, dans les médias occidentaux, l'Ukraine et l" agression russe " soient passées au second plan.

" Donc, la Russie doit-elle attendre des réfugiés européens ? Il semble que ce soit tout simplement l'inverse . Après la révolution bolchévique deux millions de russes sont partis en Europe. Un grand nombre encore sont restés entre 1945 et 1950, sortant des camps de concentrations nazis, et refusant de tomber dans les camps du Goulag. Puis s'en est suivi un exode massif dans les années 70-80 du XXe sièvle des juifs et des allemands (une colonie importante d'allemands avait suivi Catherine II et privée de sortie ensuite...J.B) Le président de la Cour des Comptes russe déclare que dans les dix dernières années 1 million 250.000 russes ont quitté le pays et chaque année de 100.000 à 150.000 deviennent des réfugiés en Europe, Usa et Canada. Au total, sur les 100 dernières années, l'Europe a accueilli en silence des millions de nos concitoyens et n'a fait que s'enrichir de cet apport de citoyens actifs, et d'accord sur tout . Idem pour ces derniers arrivants qui vont être intégrés et fournir une main d'oeuvre qui manque à l'Allemagne.

Quant à la Russie, elle voit régulièrement arriver des vagues de réfugiés de pays plus pauvres ou en guerre. Il y a 25 ans, les russes fuyant les ex-républiques soviétiques. Puis les groupes "ethniques ": géorgiens, azéris, arméniens.

Puis des milliers d'afghans,chinois,vietnamiens, légaux, illégaux . Officiellement 400.000 ukrainiens, beaucoup plus en réalité, sont venus s'installer dans leurs familles russes et attendent de pouvoir rentrer chez eux.

Ce mouvement migratoire, souligne-t-il, est tout à fait naturel. En 2013, 25 millions de " migrants vivaient en Europe, 49 millions aux USA, venus essentiellement du Mexique. En Russie, un peu moins de 11 millions, ce qui la place au deuxième rang dans le monde pour l'accueil d'émigrés.

Mais il prédit de nouvelles vagues en perspective en Russie, quand les vieux chefs au Kazakhstan, ou Ouzbékistan, par exemple, vont disparaître et que vont commencer les guerres de succession et de partage des richesses. C'est ce qui s'est passé en Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie, Tadjikistan. C'est ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine. Ils seront des milliers, voire des centaines de milliers.
Les services de migrations russes sont prêts, ils se sont organisés avec l'afflux de tadjiks et de vietnamiens, et une souris même ne pourrait y faufiler son nez .Ce qui n'est pas le cas de l'Europe. La seule faille existante est sur la frontière kazakh d'où peuvent arriver afghans, ouzbeks et même chinois, si le régime change, et il devrait changer .

Ne demande pas comme chez Hemingway pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. Sauf qu'il n'est pas là question de mort mais de réfugiés..." conclut-il.

Comme toujours, je traduis ce qui m'a paru intéressant et susceptible d'intérêt. Vraiment un autre regard. Je n'ai pas mené un travail d'investigation sur données et chiffres. Vous lisez là ce que 10 millions 800.000 russes et habitants de la fédération de Russie, de la Biélorussie et CEI  vont lire sur le net cette semaine.

Andréï Ouglanov est le rédacteur en chef de ce journal, membre du Conseil de la politique extérieure et de la défense .

Publié dans vaste Russie

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