Russie Ukraine en miroir (4)

Publié le par Boyer Jakline

" 5 Sur la souveraineté

Enfin, les propagandistes déclarent : " Après Maîdan, l'état ukrainien a perdu sa souveraineté. Il est dirigé par l'ambassade américaine. La Russie, elle, est un état souverain. Poutine l'a relevée, a lancé un défi à l'Occident. Même l'Amérique le craint."

Effectivement, la perte de souveraineté de l'Ukraine n'est pas à démontrer. Les dirigeants ukrainiens loin de le nier en sont fiers. Ils ne sont pas un état de troisième rang, mais une pièce important du dispositif US en Eurasie. Il faut que cela se sache. La Pologne et les Etats Baltes sont sur la même ligne. Elle peut donc mépriser ses "voisins barbares", l'Amérique ne les laissera pas tomber ( ce qui n'est pas sûr, d'ailleurs).

Quant à la Russie, son statut mi-colonial est un des principaux secrets de nos dirigeants. Évidemment, la propagande nous convainc du contraire: avec l'arrivée de Poutine au pouvoir la Russie a cessé d'être " quelconque" et devenue une "démocratie souveraine". Poutine à Munich* a expliqué à l'Occident que la Russie ne serait plus sa vassale. Il a, en dépit de l'Occident, rendu la Crimée au pays. Notre président ne craint pas les sanctions et est prêt à mener une  "nouvelle guerre froide" jusqu'à la victoire finale!

J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises d'écrire que toute cette agitation anti-occidentale n'est qu'un leurre à l'adresse de l'électorat de " Russie Unie".

La Russie de Poutine n'est absolument pas un concurrent de l'Occident qui le menacerait. Elle est le fournisseur de ressources énergétiques de l'Union Européenne. Dans la répartition internationale du travail,sa mission est de fournir du gaz et du pétrole bon marché. C'est seulement dans ce cadre que l'Occident a besoin de cet état dans son intégrité. Les plans ambitieux déclarés sont liés à la construction de gazoducs pour l'Europe du Sud et du Nord.  Tout le reste, ces plans de modernisation de l'industrie, c'est du vent.

L'oligarchie fait son beurre sur la vente du gaz et du pétrole. Les capitaux ainsi accumulés vont se placer dans des banques en Suisse, Grande Bretagne, et aux États Unis où vivent leurs enfants et petits enfants. Où les attendent confortables cottages et palais. Alors là, ils dépendent vraiment de l'Occident ! En son temps Zbigniew Brzezinski l'avait analysé : "regardez où est l'argent des oligarques russes et vous pourrez voir si c'est encore leur élite ou  déjà la nôtre."

De la même façon, il ne faut pas exagérer les ambitions géopolitiques de l'actuel président. N'est-ce pas lui qui a déclaré que vouloir faire renaître l'URSS ça n'a ni queue ni tête "... N'est ce pas lui qui a liquidé nos bases militaires à Cuba et au Vietnam, continue d'appeler à la coopération avec l'OTAN et appellent toujours " nos partenaires" ces élites occidentales qui le présentent comme un ennemi et un tyran ?

Il a à plusieurs reprises était d'accord avec la place qui lui a été assignée de puissance régionale, par contre sa vision des  droits qu'elle a à la périphérie dans le capitalisme globalisé diffère de celle de ses maîtres occidentaux.

Il considère par exemple qu'il a le droit de s'emparer de la Crimée, mais pas du Donbass; Alors que ces gentlemans  de l'Occident sont indignés par "l'annexion" de la Crimée...

Alors bien sûr le Kremlin n'est pas dirigé depuis l'ambassade américaine, comme l'Ukraine (bien que l'on ait connu ça dans les années 90). Mais nous avons ici " l'oeil de Washington" qui n'hésite pas à conseiller de ne pas irriter l'Occident, car il pourrait lui en cuire, ils ne craignent rien en retour. Et la fameuse "réforme des retraites", elle correspond aux directives du FMI et a été élaborée par ses représentants et le bloc économique du gouvernement...

* A propos du discours de Munich,voir un de mes premiers articles, 8 mars 2014, en particulier.

6 Conclusion

Pourquoi ce qui est à juste titre condamné par les médias officiels en Ukraine existe-t-il en tendance chez nous ? Réponse évidente: car les deux régimes ont la même origine. L'un et l'autre sont apparus lorsque une partie des anciennes élites du parti et de l'état ont fait sécession d'avec les idéaux du socialisme, des intérêts de leurs peuples, se sont accaparé les biens de l'état et se sont mis au service de l'Occident. Leur idéologie ne peut être qu'un grossier et violent anti-soviétisme. Il n'y a que comme ça qu'on peut justifier le pillage de l'héritage industriel soviétique, et sa répartition entre les clans de l'oligarchie (la fameuse efficacité de l'entreprise privée, venue remplacer le soi-disant "inefficace  état socialiste").

 Le nationalisme de la nation titulaire vient compléter le tableau. Le nationalisme est bon pour la bourgeoisie d'abord  en ce qu'il "rassemble" une société ébranlée par " les réformes libérales", ensuite parce qu'il professe une  "paix des classes" où les ennemis sont les autres peuples et races. Enfin, la réhabilitation du nazisme entre bien dans cette logique. Les régimes en question, soumis à l'Occident, n'ont pas intérêt à ce que leurs peuples sachent qu'il y a peu ces pays occidentaux s'étaient unis pour liquider les Slaves et les autres peuples de l'URSS. Ces élites compradors ont intérêt à présenter ces  hitlériens motivés en partie par la "lutte contre le communisme et le stalinisme" qui finalement, disent-ils, sont à bien des égards plus inhumains que le nazisme.

L'Ukraine et les Pays Baltes sont en première ligne. La Russie est trop grande, trop éloignée de l'Union Européenne. 
Mais surtout sa population se souvient de ses conditions de vie dans l'ancien système, comment elle tenait la dragée haute pendant la guerre froide et avant cela qu'elle avait vaincu cette Europe unie par Hitler. (Sur ce sujet, voir mon article du 9 mai 2016. J.B). C'est pourquoi pour diriger un tel peuple ces élites doivent user de ruse, avancer masqués, développer un patriotisme de pacotille. Pour détourner des problèmes intérieurs la propagande officielle invente un "leader national", une "nouvelle guerre froide", "un pays relevé".

L'opposition de gauche se doit de dénoncer cette propagande et de mettre au jour le caractère réel de notre régime.

Ici s'achèvent le texte et  la traduction de cette analyse décapante.

 

 

Sur les questions géopolitiques, mon appréciation n'est pas identique à celle de l'auteur. Sans doute lié à un positionnement " géopolitique" différent : moi, ici, au coeur de cette Union Européenne assujettie à l'OTAN, lui, à 3000 km à l'est de Moscou...
Le président russe utilise le mot partenaires à propos des occidentaux de façon tactique.
Il ne manque pas une occasion de rappeler à propos de " la menace russe" les budgets militaires américain, européen et russe, soit, dans l'ordre, 700 milliards de dollars, 600 et ...60 milliards pour la Fédération de Russie.

Dans un prochain article, j'aborderai cette question "la menace russe", vue de Moscou.

Ainsi que le désenchantement accéléré à l'égard de V. Poutine, déjà analysé par Lévada tsentr, en lien après l'article.

 

Peut-être faut-il rappeler pour les nouveaux lecteurs l'origine de l'intérêt non tari pour le travail de cet intellectuel.

Je l'ai découvert par hasard dans la plus grande librairie moscovite à travers son petit et déjà décapant ouvrage défendant la Révolution d'Octobre lors du centenaire. Des dizaines de livres geignaient sur cet événement qui aurait " tuer la Russie", plutôt l'Empire Russe. Seul ce titre " la Révolution qui a sauvé la Russie", évitant le démembrement de l'Empire et lui donnant un autre contenu, sauvait aussi l'honneur de l'historiographie. Très construit, très polémique, il répondait point par point à tous les mensonges et autres contre vérités répandues par les révisionnistes bien en cour.

J'ai écrit un article, 21 août 2017. Voir aussi novembre 2017.

Je suis depuis en contact avec lui ( vive internet).IL n'est pas russe, mais bachkir. Il n'est pas communiste, se déclare eurasien, courant philosophico- politique né au XIXe siècle... Cependant, il représente à mes yeux un baromètre de l'opinion. Certes moins argumentées, mais ces idées des élites compradors sont très présentes.

J'ajouterai que s'il est un pays qui observe avec grand intérêt ce qui se passe en France en ce moment, c'est bien la Russie. La France a souvent été un modèle et la France révolutionnaire en particulier. 1917 s'est fait aussi en référence à 1789. Ce que explique aussi en retour l' attachement particulier en Europe des communistes français à Octobre 17 et à l'URSS.

Mais ça " c'était avant"!

 


 


 

 

 

Publié dans Politique, ....etc.

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