Les Gilets Jaunes du Kazakhstan.

Publié le par Boyer Jakline

"Les événements se développent à une incroyable vitesse comme cela se produit toujours dans les périodes de crises politiques.
Mayakovski : ceux qui participent à de tels événements tentent d'accélerer le cours de l'histoire en train de se faire, quand au dehors règnent le calme et la réaction."

Introduction de l'auteur.

 

Le Kazakhstan,  7000 km de frontière avec la Russie et presque autant avec la Chine.

Le Kazakhstan abrite Baikonour, centre spatial russe. Voir la photo. 

Le Kazakhstan grand producteur de pétrole, riche à souhait.  Mais avec une population pauvre, suivant une logique bien connue. Beaucoup partent travailler en Russie où ils reçoivent des salaires de misère,  là où,  soviétiques,  ils étaient tous traités à la même enseigne.  Mais c'est une autre histoire... mais peut-être pas.

Après l’Ukraine frontalière où Maïdan a gagné et les Ukrainiens perdu... Après la Biélorussie où Maïdan n’a pas gagné... pour le moment (?). La leçon ukrainienne a été retenue. 

Voilà donc un nouveau Maïdan aux portes de la Russie ?

Des forces extérieures sont-elles à l’œuvre ? Oui, c'est la thèse du pouvoir qui appelle à l’aide l’alliance militaire organisée et dirigée par la Russie.  C’est la thèse retenue majoritairement par le pouvoir russe. Reprise par la totalité de nos politiques et leurs médias.

On ne peut exclure cette intervention et ce travail en sous main omniprésent dans les stratégies occidentales, sans être parano. Dans cette période de lutte acharnée pour la redistribution des territoires et des ressources,  la Russie reste un objectif. A contenir, voire à dépecer...Dernièrement Vladimir Poutine indiquait qu'encore en poste en Allemagne, il avait vu des cartes géographiques européennes intégrant à leurs territoires des espaces " post-soviétiques".  

Cependant,  j’ai lu avec intérêt l’analyse que produit à chaud mon ami Roustem Vahitov dans Sovietskaya Rossia.  La trame serait : pourquoi ce n’est pas un nouveau Maïdan.  À la lecture de son analyse, s’est imposée à moi l’image des Gilets Jaunes du Kazakhstan. 

A vous de juger.

D'abord, quelles sont les caractéristiques des Maïdan, marque déposée désormais, dès qu'on est aux portes de la Russie,réussis ou non.

1- s'engagent dans les capitales, 2- après des élections jugées falsifiées, 3- parmi les couches moyennes, des " hipsters"soutenues par des ONG au statut " flou", sous l’œil bienveillant des ambassades occidentales.

Motivations "démocratiques".

Ici rien de tout cela.

Le déclenchement est produit par le doublement du prix du gaz de schiste. Le doublement. Ce qui aligne ce prix sur les prix russes, alors que  salaire moyen et retraite au Kazakhstan sont infiniment plus bas qu'en Russie. La pandémie a accéléré les fermetures d'entreprises et l'augmentation du chômage. Les allocations sont misérables et ne permettent pas de vivre. Le gaz est utilisé de plus en plus en remplacement de l'essence hors de prix, dans ce pays qui fournit le marché international...

Donc, cela commence à l'ouest du pays dans la région productrice de l'or noir, richissime, mais pas les ouvriers,  " les pétroliers", comme on dit en russe...Déjà en grève dure en 2011.

A noter que les couches moyennes sont infiniment moins nombreuses qu'en Ukraine ou Biélorussie. Signe de la pauvreté de la population.

 

Dans le même temps, ce sont 7 familles d'oligarques très liées au pouvoir qui ont la main sur les champs pétrolifères...Bref, toujours le même histoire : accumulation de super richesses à un pôle, comptes à l'étranger, résidences somptueuses en Europe, de préférence en Suisse etc, etc...

Très liées à l'Occident...

Cette répétition du même sous toutes les latitudes ...

Aucun débouché politique possible car méthodiquement les forces de gauche ont été contraintes puis éliminées depuis des années ainsi que la minorité russophone souvent liée à ces milieux politiques engagés. La population mobilisée dans son ensemble ne parle  plus russe. Le parti communiste a été liquidé en 2015.

Roustem Vahitov note : il n'est pas étonnant que dans les rues d'Alma Aty on crie "le vieux, dégage", rues, précise-t-il qui ressemblent à celle de Moscou en ...1905.

Brève chronologie :

Le 2 janvier, soit après la publication des "nouveaux" tarifs., grosse colère... Au coeur de ces affrontements, le niveau de vie, les revendications sociales, la colère explose dans ces régions de l’ouest, productrice de pétrole. 

Dès le 3, le président appelle au calme et rétablit les anciens prix du gaz.

Mais le diable est sorti de la boîte, 

le 4, la vague déferle sur tout le pays.

On demande la démission du " vieux" soit Nazarbaiev qui a transmis le pouvoir mais occupe une place honorifique. Ses statues sont déboulonnées. Il aurait quitter le pays.

Remarque personnelle (J.B). J'entends que Nazarbaïev est le seul dirigeant à avoir vu des statues érigées de son vivant. Je vous renvoie à mon article du 5 juin 2018....et vous verrez la statue de Bill Clinton érigée à Pristina, Kosovo...de son vivant...

Voilà les revendications avancée :

1- abaisser l'âge de départ à la retraite

2-supprimer la vaccination obligatoire

3-réduire les taux des prêts bancaires immobiliers

4- augmenter les allocations pour les invalides.

Nous sommes loin des réflexions sur la société civile, le droit des minorités. Nous sommes sur la "langue du pain" de la large majorité des simples citoyens pauvres et toujours plus appauvris.

Malheureusement, des mots d'ordres islamistes et nationalistes s'y sont mêlés, et aussi, l'exigence de prendre de la distance à l'égard de la Russie et quitter la Communauté économique eurasienne, créée en 2010 à l'initiative de la Russie. En sont membres : l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, la Kirguizie, la Russie, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan. 

Face à ces protestations, maniant la carotte et le bâton, le gouvernement annonce des mesures. 

La carotte :

 le gouvernement est poussé à la démission,

le président divise par deux  le prix du gaz, soit pleinement satisfaites les premières revendications.

En outre, il annonce le blocage des prix sur les produits de première nécessité, sur l'essence et le diesel domestique. Les charges locatives sont gelées pour 180 jours et le Ministère de la Justice se voit ordonner d'empêcher les ententes  frauduleuses entre oligarques pour fixer les prix.. Il promet une loi sur la dette bancaire des personnes physiques ( face à l'endettement monstrueux de la population.) Il crée un fonds d'aide aux enfants malades dans les familles modestes. Ces enfants, comme en Russie d'ailleurs, sont soignés grâce à des récoltes d'argent sur les réseaux sociaux.

Effrayés par cette révolte et craignant qu'elle se déploie en révolution, les oligarques font ce que les gens attendaient depuis le début de la pandémie.

Le bâton :

Même si nous avons plus d'informations à ce sujet, des éléments essentiels ne nous arrivent pas.

Voyons ce que nous dit l'article de Sovietskaya Rossia.

Le 5 janvier, toute la journée, le centre de la capitale est dans les mains des insurgés. Le siège du parti Nour Outan, (Russie Unie kazakh)  est dévasté. L'état d'urgence est déclaré dans trois régions, dont la capitale. Grèves, meetings sont interdits. Des morts, beaucoup aussi du côté des forces dites de l'ordre. mais ce que notent de nombreuses vidéos sur internet, c'est le peu d'allant des soldats, issus pour la plupart des milieux pauvres, à écouter les officiers. Dans cette population on se chauffe à la bouse séchée, comme au Moyen-âge. En ville on s'éclaire à la bougie... 

Cependant l'absence de débouché politique met le peuple en position de perdant, une nouvelle fois. Mais les révolutions ont cette caractéristique de s'amplifier...

L'auteur de l'article souligne ainsi le caractère insurrectionnel de la situation.
Le 9 janvier, après l'arrivée des troupes russes et des pays membres de l’Alliance de sécurité collective ODKB, 3500 soldats, le calme est revenu. 
Mais un prochain article de Roustem Vahitov dans Sovietskaya Rossia fera le point.

Ironie de l'histoire, le 9 janvier 1905 à St-Petersbourg, c'était le dimanche rouge (sanglant en russe), qui marqua le divorce définitif entre le tsar et le peuple. Voir mon article du 29 janvier 2017.

Кровавое воскресенье»

 

 

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